Les premiers ministres du Québec, Jean Charest, et du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, doivent procéder jeudi à une «importante annonce» en matière d'énergie, qui prendra au moins la forme d'un «partenariat» entre Hydro-Québec et Énergie NB, voire davantage.

Le quotidien L'Acadie Nouvelle a rapporté mercredi que MM. Graham et Charest signeront un protocole d'entente visant carrément la vente d'Énergie NB à Hydro-Québec, une transaction qui serait évaluée à 10 milliards $. D'après une source gouvernementale, l'entente protégerait le patrimoine énergétique du Nouveau-Brunswick.

Mercredi, M. Graham a refusé de donner des précisions sur l'annonce, mais il a assuré qu'il y aurait amplement de temps pour tenir un débat avant qu'un pacte ne soit signé.

Plus tôt cette semaine, il avait mentionné que tout accord devrait permettre de répondre à plusieurs objectifs que veut atteindre Fredericton, à savoir la réduction des tarifs d'électricité, la cession de la dette massive de 4,7 milliards $ d'Énergie NB et le rôle que veut se donner la province comme «centre énergétique».

À Québec, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a indiqué que les discussions progressaient bien en vue d'une entente en matière d'énergie avec le Nouveau-Brunswick.

«On essaie d'investiguer toutes les pistes: distribution, transport, efficacité énergétique, a-t-elle dit. On explore actuellement toutes les pistes.»

Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, qui avait rapidement exprimé son opposition à tout partenariat Québec-Nouveau-Brunswick dès l'ébruitement des pourparlers, la semaine dernière, en a rajouté, mercredi.

Dans une lettre expédiée à M. Graham, le bouillant politicien a dit craindre qu'Hydro-Québec n'acquière une «mainmise» sur le marché énergétique des Maritimes. En vendant Énergie NB à Hydro, les Néo-Brunswickois perdront le contrôle sur leur «destinée énergétique», a-t-il ajouté.

Churchill Falls

Terre-Neuve n'a toujours pas digéré le contrat à long terme prévoyant la vente au Québec, à un prix fort avantageux, de l'électricité produite par la centrale de Churchill Falls, au Labrador.

Or, la province projette de construire une nouvelle centrale sur le fleuve Churchill et a été incapable, jusqu'à maintenant, de s'entendre avec le Québec pour y faire transiter l'électricité qui serait vendue en Ontario et aux États-Unis.

«En me basant sur notre expérience avec Hydro-Québec, je vous préviens qu'une occasion d'affaires à court terme peut se transformer en une perte de forte magnitude à long terme», a écrit M. Williams à M. Graham.

L'acquisition éventuelle d'Énergie NB par Hydro-Québec anéantira la possibilité de faire passer l'électricité du futur projet par le Nouveau-Brunswick, a soutenu M. Williams, qui a déjà menacé de porter le litige devant les tribunaux.

Dans une lettre datée de mardi, M. Graham a affirmé que les lignes de transport du Nouveau-Brunswick allaient demeurer ouvertes à quiconque est prêt à débourser un juste prix.

«Nous voulons tirer le maximum de notre situation géographique», a-t-il néanmoins écrit dans sa missive à M. Williams.

L'intérêt d'Hydro

Les experts en énergie reconnaissent qu'un partenariat entre le Québec et le Nouveau-Brunswick compliquerait la tâche de Terre-Neuve et serait susceptible de mettre à l'écart un concurrent qui vise lui aussi le marché américain.

De plus, une entente avec le Nouveau-Brunswick permettrait à Hydro-Québec de trouver un bon débouché pour l'électricité qui sera produite par ses futures centrales, dont celle de la rivière Romaine, actuellement en construction.

En raison notamment de la baisse de la demande aux États-Unis, la société d'État prévoit disposer d'importants surplus d'électricité au cours des prochaines années.

Il reste à voir comment Hydro financerait une transaction de cette ampleur.

Si elle était acquise par Hydro-Québec, Énergie NB conserverait son identité propre et devrait continuer à se présenter devant la Commission de l'énergie et des services publics de la province pour justifier toute hausse des tarifs, selon L'Acadie Nouvelle.

Dès la prise en charge de la société d'État par Hydro-Québec, les tarifs industriels seraient réduits, alors que les tarifs de l'électricité pour usage domestique seraient gelés pendant cinq ans, a précisé le quotidien

La dette du Nouveau-Brunswick atteindra bientôt huit milliards de dollars. En ajoutant la dette d'Énergie NB, pour laquelle le gouvernement provincial doit se porter garant, la dette totale de la province totalisera alors 12 milliards $.

Les présidents et chefs de la direction d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, et d'Énergie NB, David Hay, doivent prendre part à l'annonce de jeudi, qui aura lieu à la résidence du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, à Fredericton.