L'achat de la minière québécoise Canadian Royalties (T.CZZ) par des intérêts chinois continue de faire des vagues. Même s'il a signé la vente de son entreprise, le président du conseil continue de croire que celle-ci est contraire aux intérêts du Québec. Pendant ce temps, un prêteur promet de faire dérailler la transaction, affirmant qu'elle brime certains acteurs... dont la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité de la FTQ.

En entrevue à La Presse Affaires, le fondateur et président du conseil de Canadian Royalties, Glenn Mullan, a expliqué que c'est à reculons qu'il a accepté de céder sa société à Jien Canada, un groupe formé par le géant chinois Jilin Jien et la minière de Vancouver Goldbrook.

«Comme fondateur, comme actionnaire, je suis très déçu des événements. Je ne le cache pas, c'est très loin de mes espoirs, a-t-il dit. Comme administrateur, on a l'obligation d'aller chercher la meilleure valeur pour les actionnaires. Comme nous n'avons pas réussi à aller chercher un chevalier blanc (une entreprise qui aurait sauvé Canadian Royalties des mains de Jien), c'était la seule option possible.»

M. Mullan continue-t-il de croire que cette entente est contraire aux intérêts du Québec, comme il l'a déjà affirmé?

Après une longue hésitation, il répond. «Oui.»

Canadian Royalties s'est retrouvée vulnérable aux offres hostiles quand la crise financière a interrompu la construction de sa mine de nickel à Raglan, dans l'extrême nord du Québec.

M. Mullan n'est pas seul à avoir la vente de Canadian Royalties aux Chinois en travers de la gorge. Mardi, le directeur général de l'Association de l'exploration minière du Québec, Jean-Pierre Thomassin, disait y voir le symbole de la perte des richesses naturelles de la province à des investisseurs étrangers, dénonçant au passage l'inaction de la Caisse de dépôt et du Fonds de solidarité de la FTQ.

Et un autre pavé a été jeté dans la mare, hier, cette fois en provenance... de Toronto.

Jaguar Financial, une firme qui a prêté de l'argent à Canadian Royalties sous forme de débentures, promet maintenant de tout faire pour faire dérailler la vente, y compris intenter des poursuites juridiques ou lancer une contre-offre.

Jaguar affirme que l'entente signée entre Jien Canada et Royalties ne respecte pas les droits des détenteurs de débentures, parmi lesquels on trouve la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité de la FTQ.

L'entente qui lie les prêteurs à Canadian Royalties stipule en effet qu'en cas de prise de contrôle, ceux-ci recevront 1,01$ pour chaque dollar prêté. Or, l'entente de Jien Canada et signée par Canadian Royalties retire ce droit aux prêteurs et ne leur offre que 80 cents pour chaque dollar.

Jien doit obtenir les deux tiers des débentures pour mettre la main sur Canadian Royalties. Un bras de fer est donc engagé entre Jaguar, qui tente d'inciter les détenteurs à refuser l'offre, et Jien, qui veut les convaincre d'accepter. Notons que Jaguar a réussi à bloquer cette année une transaction entre deux minières ontariennes.

La Caisse de dépôt, qui détient 30% des débentures, refuse de dire de quel côté elle penche. Mais le Fonds de solidarité de la FTQ (qui en détient environ 15%) a déjà choisi son camp: il remettra ses titres à Jien.

«En comptant les intérêts reçus, on récupère 18 millions sur 20 avec l'offre des Chinois. Il faut comprendre que la société n'allait pas bien et que le projet est sur la glace depuis un an. Nous on se dit: ou bien on récupère 18 millions, où bien le projet reste encore sur la glace», dit Josée Lagacé, porte-parole du Fonds.

Canadian Royalties a publié un communiqué hier soir, affirmant que «l'attaque de Jaguar» est «criblée de renseignements faux ou trompeurs», notamment quand Jaguar affirme que les détenteurs de débentures recevraient plus en cas de faillite qu'avec l'offre de Jien.

Glenn Mullan, président du conseil de Canadian Royalties, s'est dit déçu hier de la réaction des investisseurs institutionnels dans le dossier. Il aurait aimé qu'ils exigent des conditions, notamment au sujet des emplois gardés au Québec et des ententes avec les populations autochtones.

Il a ensuite cité Pierre-Elliot Trudeau et a dit avoir besoin d'une «longue marche dans la neige» avant de décider s'il allait demeurer au sein de la société.