Les astres sont alignés pour que la plus grosse mine d'or au Québec voit le jour à Malartic, en Abitibi. Le gouvernement Charest a donné le feu vert à l'entreprise Osisko pour démarrer son projet d'un milliard de dollars.

Suivant les recommandations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), le gouvernement autorise la construction de la mine, mais impose des conditions à Osisko.

«Au terme de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, le Ministère conclut que le projet est acceptable sur le plan environnemental», a tranché hier la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp.

Le titre d'Osisko a gagné 24 cents ou 3,41% à la Bourse de Toronto pour clôturer à 7,28$.

Le projet Canadian Malartic devrait permettre d'extraire annuellement 591 000 onces d'or sur une période de 10 ans. C'est plus du double de ce que produit actuellement la plus grosse mine d'or au Québec, la mine La Ronde, d'Agnico-Eagle.

Osisko ne s'en tire cependant pas avec un chèque en blanc. L'entreprise devra fournir 100% des garanties financières nécessaires à la fermeture et la restauration du site. Au printemps dernier, un rapport du Vérificateur général du Québec avait révélé que les exploitants miniers abandonnent trop souvent leur site après exploitation, refilant la facture au gouvernement.

Osisko devra aussi implanter des mesures pour limiter les impacts du bruit, de la poussière et des vibrations. L'entreprise doit aussi s'assurer que l'approvisionnement en eau potable de la ville soit maintenu, et devra déposer l'argent nécessaire en garantie.

Osisko a déjà acquiescé à toutes ces demandes.

«Nous sommes prêts à remplir toutes les conditions qui nous sont imposées et nous les suivrons méticuleusement. On finit avec un projet très étudié et très réfléchi qui va devenir le standard pour l'industrie. On parle d'une mine d'une nouvelle génération», a dit à La Presse Affaires Sean Rosen, président et chef de la direction d'Osisko.

M. Rosen a admis que les conditions imposées par le gouvernement engendreront des coûts supplémentaires, mais n'a pas été en mesure de les chiffrer. Il affirme que l'échéancier n'est pas modifié et que la mine devrait commencer ses opérations en 2011.

M. Rosen a aussi révélé à La Presse Affaires qu'Osisko a maintenant obtenu 95% du financement du projet.

Selon Dan Rollins, analyste chez UBS, l'annonce d'hier «améliore le profil de risque du projet Canadian Malartic, qui était déjà très bas». «Les risques liés aux permis semblent maintenant éliminés», écrit-il.

Une première

Le projet Canadian Malartic est une première pour l'Abitibi. Alors que ses habitants sont habitués de voir leurs mineurs creuser des galeries pour suivre des filons d'or, Osisko est débarqué avec un projet de mine à ciel ouvert destinée à récolter d'immenses quantités de roc à faible teneur en minerai.

Pour ajouter au spectaculaire, une partie de la mine que veut construire Osisko se trouve sous la ville de Malartic. L'entreprise termine actuellement le déménagement d'un quartier complet. Déjà 130 résidences ont été déplacées, et il ne reste que de «quatre à six» dossiers de citoyens récalcitrants à régler. Plusieurs bâtiments, dont une école et une résidence pour personnes âgées, ont aussi été reconstruits.

Dans son rapport, le BAPE avait souligné que le déplacement du quartier avait été commencé avant même que le projet n'ait reçu les autorisations, ce qui «soulève des questions sur le plan éthique et humain».

«On va finalement arrêter de s'obstiner à savoir si la mine va démarrer ou pas. Je suis bien content que ce soit réglé», a commenté hier le maire de Malartic, André Vezeau, qui trouve toutefois que les conditions imposées à Osisko au sujet de «l'aide à la ville et à la communauté» sont insuffisantes.

Jacques Saucier, porte-parole du Comité de vigilance de Malartic, promet aussi de continuer à suivre les opérations de près. «On espère que le comité de suivi qui est recommandé par le BAPE soit mis en place le plus tôt possible, dit-il. On a vu de l'ouverture de la part de la compagnie, mais le Comité va toujours les avoir à l'oeil.»

La coalition Pour que le Québec ait meilleure mine! avait jugé en juillet que le BAPE avait soulevé des problèmes «flagrants» mais accouché de recommandations «timides» concernant le projet Canadian Malartic. Il a été impossible de parler à ses membres hier.

Une prise de contrôle en vue?

La semaine dernière, la minière de Vancouver Goldcorp a fait le plein d'actions d'Osisko et détient maintenant tout près de 13% de l'entreprise. Selon l'analyste Dan Rollins, d'UBS, cet achat a fait augmenter la probabilité qu'Osisko passe aux mains de ce producteur d'or.

«Nous croyons qu'Osisko est un candidat hautement probable à une prise de contrôle étant donné la nature robuste du projet Canadian Malartic», écrit l'analyste.

Jean-Pierre Thomassin, directeur général de l'Association minière du Québec, admet que les entreprises d'exploration ne sont habituellement pas intéressées à exploiter des mines, et que le scénario typique est de les voir se faire avaler par des entreprises minières une fois qu'elles ont prouvé qu'il y a de l'or possible à exploiter sur leurs terres.

Il note toutefois que la haute direction d'Osisko semble très déterminée à faire les choses elle-même.

«Notre but n'est pas de vendre, mais de mener à bien notre projet», a réitéré hier Sean Rosen, président et chef de la direction d'Osisko.

LE PROJET CANADIAN MALARTIC

1 milliard de dollars d'investissements

800 emplois pendant la phase de construction, 465 pendant l'exploitation de la mine

120000 tonnes de roc extraites chaque jour

Production annuelle : 591 000 onces d'or

Durée de vie : 10 ans