Percer de nouveaux marchés, exploiter davantage le Grand Nord et tester de nouvelles technologies: c'est ainsi qu'Hydro-Québec entend répondre à la commande du gouvernement qui veut tirer davantage de bénéfices de sa société d'État.

Le plan stratégique 2009-2013, que la société d'État a rendu public hier avec six mois de retard, était très attendu. Une première version de ce plan de match des cinq prochaines années avait été refusée en février dernier par le ministre Claude Béchard, qui avait demandé expressément aux dirigeants de la société d'État de trouver des façons de profiter de l'ouverture du président Barack Obama aux énergies renouvelables.

Hydro propose de prendre pied dans le Midwest, un marché qui lui était inaccessible jusqu'à maintenant, en se servant de sa nouvelle interconnexion avec le réseau de l'Ontario.

La mise en service de ce nouveau lien est prévue plus tard cette année. Ce lien permettra non seulement à Hydro d'accroître les ventes de l'électricité en Ontario, mais aussi de faire transiter son énergie vers les états du centre des États-Unis.

Une grande partie de l'électricité consommée dans ces États est produite à partir du charbon et une percée de l'électricité québécoise pourrait être encouragée par les Américains, puisqu'elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Dans son marché traditionnel du nord-est des États-Unis, Hydro mise sur une nouvelle interconnexion qui lui coûtera 400 millions de dollars pour répondre à la commande de son actionnaire gouvernemental. Des contrats de vente à long terme pourraient être associés à la mise en service de ce nouveau lien énergétique.

Hydro prévoit que la part de ses profits associée aux exportations d'électricité augmentera au cours des cinq prochaines années, mais de façon très modérée. Le prix de l'électricité sur les principaux marchés d'Hydro-Québec est lié au prix du gaz naturel, qui restera relativement bas jusqu'en 2013.

En 2008, les ventes à l'exportation ont généré 32% des profits totaux de la société d'État et, dans cinq ans, cette proportion sera de 38%, prévoit Hydro.

Des hydroliennes

Hydro augmentera sa production de 4500 MW au cours des prochaines années, ce qui coûtera 10 milliards. En plus du projet de la Romaine (1550 MW), les autres projets sont identifiés pour la première fois dans le document rendu public hier. Il s'agit du harnachement des rivières Magpie sur la Côte-Nord (850 MW) et Petit-Mécatina (1200 MW) également sur la Côte-Nord, ainsi que de la centrale Tabaret au Témiscamingue (132 MW). La production de trois centrales existantes sera augmentée, soit celle de Sainte-Marguerite (440 MW), de Manic-2 (120 MW) et de Manic-3 (210 MW).

D'autres projets totalisant 3500 MW seront lancés dans le Grand Nord, mais Hydro ne les identifie pas. Tout ce qu'on peut savoir est qu'il s'agit de projets hydroélectriques de 3000 MW et d'énergie éolienne et renouvelable «émergente» de 500 MW.

Hydro veut par exemple mettre à l'essai des hydroliennes, ou des turbines immergées qui produisent de l'électricité grâce au débit d'un cours d'eau, dans le nord du Québec et dans les communautés qui ne sont pas reliées à son réseau.

Cette incursion prévue dans les nouvelles technologies laisse sur sa faim le porte-parole de l'opposition en matière d'énergie, Sylvain Gaudreault. Il estime qu'Hydro a reporté son plan stratégique pour pas grand-chose. «Le mot géothermie apparaît une seule fois dans le document (de 86 pages)», a déploré hier le député.

Par ailleurs, Hydro-Québec n'a pas abandonné son projet de s'associer avec «un fournisseur de taille mondiale» pour mettre un pied dans l'industrie de la voiture électrique, indique le plan stratégique, mais la société d'État ne donne aucun détail sur les progrès réalisés.

Un groupe de travail a été mandaté pour coordonner les efforts de développement du transport électrique, et notamment la création d'une infrastructure de recharge des batteries qui sera indispensable à la mise au point de la voiture électrique.

En attendant, Hydro doit gérer d'énormes surplus d'électricité accumulés pendant la période où la société d'État prévoyait ne plus pouvoir suffire à satisfaire la croissance de la demande au Québec. Elle a donc acheté sur le marché à prix très élevé de l'électricité qui s'avère aujourd'hui excédentaire en raison du ralentissement économique et de la baisse de production chez ses clients industriels.

Hydro sera en situation excédentaire jusqu'en 2017 et devra revendre cette énergie sur le marché au jour le jour qui sert à écouler les surplus et où les prix sont très bas. Des pertes de centaines de millions de dollars sont donc à prévoir pour Hydro en raison de ces surplus.

Ces pertes devraient contribuer à faire augmenter les tarifs d'électricité, mais les hausses demeureront modestes, prévoit Hydro. La société d'État a demandé une hausse de 0,2% à partir du 1er avril 2010 et prévoit des augmentations inférieures à 2,5% les années subséquentes.

Les tarifs d'électricité ont augmenté de 1,2% le 1er avril dernier.