Malgré la chute dramatique des prix du pétrole et la mauvaise réputation des sables bitumineux sur le plan environnemental, Total SA s'est installée en Alberta pour y rester. Le géant français du pétrole, qui vient d'échouer dans sa tentative d'acheter UTS Energy pour accroître sa présence dans les sables bitumineux, croit que les énergies fossiles continueront de jouer un rôle dominant dans un avenir prévisible. Le directeur général Exploration et Production de Total SA, Yves-Louis Darricarrère, a répondu aux questions de La Presse Affaires.

Q: Est-ce que le prix actuel du pétrole menace la rentabilité de vos projets albertains?

R: Nous nous apprêtons à investir de 15 à 20 milliards au Canada au cours des 10 à 15 prochaines années pour produire 250 000 barils par jour avec ce qu'on a déjà. On peut espérer que le projet Joslyn soit mis en production en 2016-2017 et être en production jusqu'en 2034-2035. L'important n'est pas le prix actuel mais le prix futur.

Q: Total a-t-elle l'intention de faire d'autres acquisitions au Canada?

R: On veut surtout développer nos investissements en Alberta et construire une position qui soit solide, mais qui soit durable. Total cherche partout des occasions de s'étendre et de grandir.

Q: Les énergies renouvelables vous intéressent-elles?

R: Notre mission est d'approvisionner la planète en énergie, donc de produire davantage de pétrole et de gaz. Toutes les prévisions des experts concordent: en 2030, les énergies fossiles représenteront encore 75% des besoins en énergie. Par conséquent, le pétrole et le gaz ont encore un rôle important à jouer dans l'approvisionnement énergétique de la planète. Total croit au pétrole. On ne peut pas être partout.

Q: Pensez-vous qu'on va manquer de pétrole?

R: Non. La demande va continuer à croître et l'offre aura du mal à fournir, mais on ne manquera pas de pétrole. Ce sera un vrai défi d'approvisionner la planète. Il faudra des avancées technologiques et des sources d'approvisionnement autres comme les sables bitumineux, qui sont les hydrocarbures de l'avenir. Et les prix vont être plus élevés.

Q: L'industrie des sables bitumineux a une image désastreuse en matière de protection de l'environnement, et ce type de pétrole pourrait être de plus en plus controversé à l'avenir. Est-ce que ça vous inquiète?

R: L'exploitation des sables bitumineux comporte un certain nombre de défis que les autorités concernées et les entreprises doivent régler. Je pense en particulier aux émissions de gaz à effet de serre, à l'utilisation de l'eau et du territoire. On trouvera des réponses qui satisferont tout le monde. Il y a de grands défis dans lesquels nous sommes prêts à nous investir.

Q: Le raffinage intéresse de moins en moins certaines des grandes compagnies pétrolières intégrées. Est-ce que Total veut réduire ses activités de raffinage?

R: Ça dépend du marché. Nous sommes le premier raffineur en Europe, où la demande d'essence est en décroissance. Mais nous venons de lancer avec Aramco (Arabie Saoudite) un projet de raffinerie de 400 000 barils par jour à Dubaï. Donc, nous continuons de nous développer dans le raffinage, dans les marchés en pleine croissance comme les marchés asiatiques.