Le géant minier anglo-australien Rio Tinto (rtp) aurait corrompu des responsables des seize grands aciéristes chinois impliqués dans les négociations sur le prix du minerai de fer, a affirmé mercredi le China Daily.

Le quotidien officiel cite «une source industrielle» selon laquelle Rio Tinto a «corrompu» des dirigeants de ces groupes pour obtenir des données industrielles sensibles.

«Si les compagnies n'avaient pas accepté, elles se seraient vu privées de toute fourniture (de minerai de fer). Alors toute l'industrie a été corrompue», a expliqué cette source au China Daily, l'un des deux journaux officiels en anglais, destinés à une audience étrangère.

L'affaire Rio Tinto a éclaté avec l'arrestation le 5 juillet du dirigeant à Shanghai du groupe, l'Australien Stern Hu, et de trois de ses collègues, accusés d'espionnage.

La Chine les accuse d'avoir «volé des secrets d'Etat et causé d'énormes pertes» pour ses intérêts économiques et sa sécurité.

L'affaire a pris de l'ampleur avec des révélations de la presse selon lesquelles l'enquête a été élargie à des dirigeants d'au moins cinq groupes sidérurgiques chinois.

Les autorités ont gardé le silence sur ce qui menace de devenir un énorme scandale ébranlant l'industrie sidérurgique chinoise et ses fournisseurs étrangers.

Elles se sont en revanche attachées à mettre du liant dans les relations avec l'Australie, tendues après l'arrestation de M. Hu que des hommes politiques et analystes ont liée au récent abandon par Rio Tinto d'un accord stratégique avec le géant public chinois Chinalco.

Alors que le Premier ministre australien Kevin Rudd avertissait mercredi que d'importants intérêts économiques étaient en jeu, le ministère du Commerce chinois soulignait pour sa part que cette affaire ne devrait pas nuire aux relations commerciales bilatérales, réaffirmant qu'il s'agissait «d'un cas individuel».

Un cas individuel néanmoins traité avec force. Un article sur China Law Blog du cabinet d'avocats américain Harris et Moure souligne «un fait inhabituel : la décision des autorités chinoises de ne pas traiter cette affaire comme une violation de secrets commerciaux mais plutôt de vol de secrets d'Etat».

«Les Chinois cherchent probablement à éviter un procès pour crime pour mieux garder le secret sur les informations volées», estime l'auteur en soulignant qu'en Chine les informations de marché sont étroitement contrôlées par le gouvernement, ce qui handicape les étrangers.

L'affaire met aussi en lumière «l'état chaotique du marché national du minerai de fer», a souligné dans une note IHS Global Insight.

Sur ce marché une myriade de petits aciéristes n'ont pas de licences d'importateurs et achètent la matière première aux quelque 112 compagnies grosses ou moyennes ayant cette licence.

En conséquence «les grands aciéristes peuvent faire des bénéfices en revendant aux plus petits le minerai de fer acheté aux groupes internationaux», explique Ren Xianfang, de Global Insight.

Cela réduit l'ardeur des grands groupes à négocier des prix plus bas avec les compagnies minières et incite les plus petits à «développer une bonne relation» avec ces dernières dans l'espoir de contrats privés.

Selon la presse, le gouvernement pourrait retirer leurs licences d'importateurs à une vingtaine d'aciéristes ou négociants.