L'arrestation en Chine d'un cadre du groupe minier Rio Tinto soupçonné d'espionnage pourrait refroidir l'ardeur des milieux économiques à l'égard du géant asiatique, chez qui la notion de «secret d'État» est extensible, estimaient dimanche des experts.

Le placement en détention de Stern Hu, un ressortissant australien responsable des opérations du groupe anglo-australien à Shanghaï, témoignerait surtout d'une volonté chinoise de faire rouler ses «muscles politiques». La Chine a affirmé jeudi disposer de «preuves suffisantes» de vol de «secrets d'État» contre M. Hu et trois autres employés qu'elle détient depuis une semaine.

Ces arrestations surviennent après la renonciation, début juin par Rio Tinto, à un accord stratégique avec le géant public chinois de l'aluminium Chinalco.

«Le moment choisi est troublant, je ne pense pas que ce soit une coïncidence», souligne John Lee, spécialiste de la Chine auprès du Centre australien des études indépendantes.

Chinalco aurait apporté 19,5 milliards de dollars à Rio Tinto pour monter à hauteur de 18% dans son capital. Mais, après une fronde de ses actionnaires, Rio Tinto a préféré lancer une augmentation de capital de 15,2 mds USD et conclure une alliance avec son rival BHP Billiton.

Pour M. Lee, les dirigeants chinois, ulcérés par cet échec et la fermeté de Rio dans les négociations sur le prix du fer, ont visiblement lancé des représailles.

Mais ces arrestations sont de nature à jeter un froid sur le commerce avec les Chinois au moment où le géant asiatique, extrêmement vorace en énergie, cherche à mettre la main sur des compagnies détentrices de matières premières.

L'arrestation de M. Hu a eu un écho international, car c'est la première fois qu'un cadre d'entreprise australien était arrêté en Chine, note Billy Mak, professeur de finances à l'université baptiste de Hong-Kong.

Selon le cabinet de conseil Dragonomics de Pékin, les lois anti-espionnage chinoises couvrent des domaines d'application si étendus qu'elles constituent de véritables champs de mine pour les compagnies étrangères.

«Cela soulève évidemment des problèmes pour les investisseurs étrangers, la notion de secret d'État en Chine concerne un grand nombre d'informations commerciales dans les groupes publics», rappelle Arthur Kroeber, directeur de Dragonomics.

La semaine dernière, le ministre australien des Affaires étrangères, Stephen Smith, s'était déclaré effaré par les lois chinoises sur le secret d'État, affirmant qu'elles incluaient ce qui, dans d'autres pays, s'apparente à une activité commerciale normale.