La société AbitibiBowater (t.abh) saura aujourd'hui si le prêt d'urgence de 100 millions US proposé par Québec est autorisé ou non par le juge qui supervise sa protection de faillite.

Mais encore hier, après des heures de délibérations en cour à Montréal, cette décision attendue du juge Clément Gascon suscitait la controverse parmi les avocats d'AbitibiBowater et de ses principaux créanciers.

En particulier, certaines conditions posées par le gouvernement du Québec pour garantir un prêt spécial de 100 millions US de la Banque de Montréal à la papetière.

Des conditions «inhabituelles» et «sans précédent» dans les cas de financement intérimaire de restructuration, ont soutenu les avocats de certains créanciers.

Ils faisaient référence à la priorité parmi les créanciers envers certains actifs de la papeterie qui est exigée par Investissement Québec, la société d'État mandatée dans ce dossier.

Mais aussi, les avocats de créanciers inquiets s'en sont pris à la condition de Québec d'obtenir la nomination par la cour d'un autre contrôleur comptable pour ses propres intérêts - la firme Raymond Chabot - dans le cas où AbitibiBowater contreviendrait aux conditions financières du prêt d'urgence avant son échéance, le 1er novembre prochain.

Même le juge Gascon, habitué des restructurations d'insolvabilité, s'est inquiété de cette condition particulière de Québec.

Surtout après que les avocats d'AbitibiBowater eurent encore plaidé son risque élevé de panne de liquidités à court terme en cas de retard pour l'accès au prêt d'urgence.

«Cette condition du gouvernement du Québec est l'équivalent d'un fusil sur la tempe d'AbitibiBowater et du tribunal», a indiqué le juge à l'avocat Patrice Benoit, qui représente Investissement Québec.

Mais ce dernier a soutenu que cette condition était considérée essentielle par la société d'État, d'autant qu'elle provient du décret ministériel du gouvernement du Québec qui l'autorise à intervenir chez AbitibiBowater jusqu'à hauteur de 100 millions US.

Par conséquent, selon Me Benoît, tout amendement à cette condition requerrait une approbation ministérielle à Québec. De même que le maintien du prêt d'urgence après une exclusion de la condition par le juge, lors de sa décision attendue cet après-midi.

Pendant ce temps, le ministre responsable du dossier, Raymond Bachand, titulaire des Finances et du Développement économique, a jugé bon d'intervenir sur l'usage des fonds avancés à la société-papetière.

En particulier, pour calmer la clameur syndicale et politique suscitée par le dévoilement de l'indemnité de départ de 17,5 millions US consentie plus tôt cette année par AbitibiBowater à son ex-président, John Weaver, et dont la majeure partie lui est encore due.

Dans un communiqué, le ministre Bachand dit avoir demandé aux avocats gouvernementaux de réclamer en cour que les 100 millions US proposés à la société-papetière servent seulement «pour ses opérations, et non les dettes antérieures». Et parmi ses dettes, «la prime de M. Weaver ne doit pas passer avant les indemnités auxquelles les travailleurs ont droit», a souligné le ministre.

En effet, outre son ex-président, des centaines d'ex-salariés d'AbitibiBowater au Québec et à Terre-Neuve, où une grosse papeterie a été fermée en mars, attendent le versement d'au moins 30 millions en indemnités de fin d'emploi.

Ces paiements ont été interrompus par la protection de faillite de la société-papetière, les reléguant en fait parmi les créanciers non garantis de l'entreprise.

Par ailleurs, les travailleurs et les retraités d'AbitibiBowater au Canada attendent le sort réservé aux millions en cotisations spéciales pour le déficit des régimes de retraite, que la papeterie a interrompu avec sa déclaration d'insolvabilité.

Une décision judiciaire à ce sujet est attendue demain matin, en Cour supérieure à Montréal.