Les travailleurs et les retraités de la société papetière AbitibiBowater (T.ABH) s'inquiètent des conséquences de sa protection de faillite sur leur rémunération et leurs prestations.

D'autant qu'en cour, hier à Montréal, la société papetière a lancé une première salve en demandant l'autorisation de suspendre une bonification de régimes de retraite qui doit entrer en vigueur aujourd'hui, le 1er mai.

 

Cette bonification, convenue il y a cinq ans entre la société papetière et ses syndicats, doit permettre à des salariés ayant au moins 20 ans d'ancienneté de devancer d'un an - de 58 à 57 ans - l'âge de la retraite sans pénalité de prestations.

Pas les moyens

Selon son principal avocat, Sean Dunphy, la société papetière n'a pas les moyens d'honorer une telle bonification du régime de retraite. AbitibiBowater prétend qu'elle ajouterait 68 millions de dollars au déficit d'au moins 1,4 milliard déjà accumulé par ses régimes de retraite, et qu'elle devra combler éventuellement.

«AbitibiBowater est insolvable. Et pour survivre, elle doit choisir parmi ses nombreuses obligations financières. Or, à ce moment-ci, grossir le déficit des régimes de retraite serait consentir un avantage à un groupe au détriment des autres intervenants» a expliqué M. Dunphy devant le juge Clément Gascon, de la Cour supérieure.

Des avocats représentant des créanciers financiers d'AbitibiBowater ont aussi appuyé sa requête, plaidant eux aussi le maintien d'un «terrain équilibré» entre les intervenants plutôt que de risquer de provoquer une «course vers les actifs et une liquidation».

Selon le principal avocat des syndicats, Yves St-André, la décision d'AbitibiBowater de suspendre la bonification du régime de retraite est l'équivalent d'une «résiliation illégale des conventions collectives».

De plus, la société papetière ne peut invoquer son péril financier à court terme pour justifier sa requête parce que cette bonification n'implique «pas d'argent déboursé par l'entreprise, mais plutôt par la caisse de de retraite», qui est distincte.

La suite de ce différent aura lieu ce matin, avec la décision du juge Gascon sur la requête d'AbitibiBowater.

Mais quelle qu'elle soit, cette décision ne représentera qu'une étape quant au sort des caisses de retraite de la société papetière dans ses efforts pour éviter la faillite totale.

Car AbitibiBowater a déjà signifié au tribunal qu'elle révise certaines contributions aux régimes de retraite, ainsi que des «paiements spéciaux» à des ex-travailleurs.

Entre autres, la société papetière a déjà suspendu les 28 millions en indemnités de fin d'emploi qu'elle avait convenu en début d'année avec les centaines de travailleurs d'une usine à Terre-Neuve, fermée en mars.

Aussi, hier en cour, AbitibiBowater a rappelé le poids financier à court terme que représentent ses contributions d'au moins 13 millions par mois aux caisses de retraite de ses 11 300 employés au Canada. Le débat en cour à ce sujet se tiendra lundi prochain, au palais de justice de Montréal.

Entre-temps, le juge Clément Gascon entend aujourd'hui les arguments sur l'aide financière de 100 millionsUS annoncée par le gouvernement du Québec dès la requête en protection judiciaire d'AbitibiBowater, le 17 avril dernier. Cette aide est prévue comme une garantie de l'organisme Investissement Québec sur un prêt spécial consenti par la Banque de Montréal.

Toutefois, cette garantie de prêt est conditionnelle à une préséance parmi tous les créanciers garantis d'AbitibiBowater.

Et déjà, la semaine dernière, cette préséance suscitait des critiques de détenteurs de centaines de millions de dollars en billets financiers adossés à des actifs de la société papetière.