Mercredi soir dernier, dans le sous-sol de l'église de Malartic, en Abitibi. Les chaises qu'on a disposées en rangées sont toutes occupées. Derrière et sur les côtés, il y a des gens debout. Des bébés gazouillent dans les bras de leur mère pendant que tout le monde se plaint de la vague de froid qui vient de s'abattre sur la ville.

«Oui, mais on n'a pas de mouches!» fait valoir le maire, André Vezeau.

C'est ce soir que débutent les audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur la mine d'or que veut creuser l'entreprise Osisko sur le territoire de la ville.

 

Des mines, on en a creusé des dizaines en Abitibi, l'une des régions minières les plus prolifiques au monde. Mais c'est la toute première fois que l'une d'entre elles fait l'objet d'audiences publiques.

Ce n'est pas pour rien. Des opinions qui s'affrontent, il y en a plein à Malartic par les temps qui courent. Mais s'il y a une chose sur laquelle on s'entend, c'est bien celle-là: le projet d'Osisko, baptisé Canadian Malartic, n'en est pas un comme les autres.

Il y a d'abord le potentiel. Au prix de l'or actuel, les 6,2 millions d'onces d'or qu'Osisko veut extraire du sol valent plus de 7 milliards de dollars. En comparaison, la mine LaRonde d'Agico-Eagle, une géante qui se trouve à un jet de pierre, a récolté 3 millions d'onces d'or depuis 1988.

Et les foreuses d'Osisko, qui continuent de pilonner les alentours de la ville, interceptent encore ce que François Drouin, un géologue rencontré dans les installations de l'entreprise, a montré à La Presse Affaires à même une carotte extraite du sol: un fragment d'or, ce métal qui fait rêver les hommes depuis des siècles.

Mais le plus spectaculaire du projet Osisko n'est peut-être pas la quantité d'or à extraire. C'est la façon de le faire. Les Abitibiens sont habitués à voir leurs mineurs creuser des galeries souterraines pour suivre des filons riches en or.

Le projet Canadian Malartic, dit de «fort tonnage, faible teneur», est d'une autre nature. Ici, les galeries ont déjà été creusées par d'autres entreprises avant l'arrivée d'Osisko. L'idée, c'est maintenant de ramasser le reste - du roc qui contient moins d'or - mais de le ramasser... en immenses quantités. Plus de 50 000 tonnes chaque jour.

Le résultat - une fosse de 2 kilomètres de longueur sur 800 mètres de large sur 400 mètres de profondeur - serait l'une des plus grosses mines d'or à ciel ouvert au pays.

Pour ajouter au spectaculaire, une bonne partie du magot que convoite Osisko est situé directement sous les maisons de Malartic. L'entreprise a passé l'été à charger les maisons des résidants sur des camions pour les déménager à l'autre bout de la ville, dans un quartier tout neuf qu'elle est en train de construire à ses frais.

Une école primaire, un CPE, un HLM, un centre de soins de longue durée de 57 lits et un édifice qui abrite divers organismes tomberont aussi sous les bulldozers d'Osisko. Et l'entreprise a déjà commencé à les reconstruire, tout en neuf et encore à ses frais, dans le nouveau quartier. Total de la facture de ce transfert: environ 110 millions. Total des coûts du projet: un milliard de dollars.

Mais un aussi gros projet ne se fait pas sans peine. Et les audiences du BAPE, qui ont débuté la semaine dernière et qui se poursuivront en avril, montrent que les enjeux qu'il soulève dépassent largement les frontières de Malartic.