À la tête des Industries Canatal, de Thetford Mines, Ralph Poulin avait pourtant toutes les raisons pour se réjouir. Son entreprise spécialisée dans la fabrication de structures d'acier annonçait, hier, qu'elle figurait au palmarès des 50 sociétés les mieux gérées au Canada.

Pourtant, de gros nuages menacent les Industries Canatal et l'ensemble du secteur de la construction en acier qui fait travailler plus de 15 000 personnes au pays dont 6000 au Québec.

«Ça va être catastrophique si le projet de loi doit recevoir l'aval du Sénat», laisse tomber M. Poulin dont l'entreprise fournit un gagne-pain à 300 personnes.

<b>Interdire l'importation d'acier étranger</b>

L'une des dispositions du projet de loi qui va concrétiser le plan de relance de 819 milliards $US du président Barack Obama vise à interdire l'importation d'acier étranger pour la construction d'infrastructures publiques, comme des écoles, des palais de justice ou des postes de police.

La Chambre des représentants a déjà donné sa bénédiction à cette disposition. Volant au secours de l'industrie canadienne de l'acier, le gouvernement de Stephen Harper multiplie les interventions auprès des autorités américaines pour les inciter à modifier cette règle de préférence nationale avant que le projet de loi prenne le chemin du Sénat pour son approbation finale.

«Pour nous, le marché américain, c'est plus de 90 % de notre chiffre d'affaires», intervient Ralph Poulin. Au Québec, 50 % de l'acier produit par les fabricants prend la direction des États-Unis.

«Ça serait catastrophique si l'on nous fermait les portes des infrastructures publiques compte tenu que le secteur privé tourne au ralenti en raison de la récession et des difficultés pour les entreprises de trouver du financement sur les marchés.»

Selon Jean-François Blouin, directeur général de Supermétal et aussi président de la division québécoise de l'Institut canadien de la construction en acier, il est faux de prétendre que le Canada enlève du pain de la bouche des Américains.

Il explique que les fabricants de charpentes métalliques d'ici achètent leur matière première aux États-Unis. «Nous la transformons dans nos usines et nous retournons le produit fini aux États-Unis où il sera installé par des travailleurs américains», explique M. Blouin en signalant qu'au moins 60 % de la valeur d'un contrat restait dans la poche des Américains.

«C'est pourquoi, nous voulons être considérés comme des partenaires. Les économies du Canada et des États-Unis sont tellement liées l'une et l'autre», ajoute-t-il.

Supermétal possède des usines à Lévis, à Sherbrooke et à Edmonton et compte près de 500 employés. En décembre dernier, l'entreprise mettait temporairement à pied 150 travailleurs. «Oui, la crise aux États-Unis nous fait mal, mais nous notons également une baisse de régime dans l'Ouest canadien.»

De son côté, Ralph Poulin n'a pas encore retourné des travailleurs à la maison.

«On avait un bon carnet de commandes. J'avoue, cependant, qu'il commence à fondre. Pour les trois à quatre prochains mois, on devrait être capable de garder tout notre monde. Est-ce que la situation sera la même dans trois ou quatre mois ? Difficile à prévoir.»

Chose certaine, le président des Industries Canatal promet de tout faire pour éviter les mises à pied. «C'est tellement difficile de recruter les bonnes personnes et de les garder.»

Par ailleurs, Ralph Poulin considère comme une «belle marque de reconnaissance» le classement obtenu par son entreprise au concours des 50 sociétés les mieux gérées organisé par Deloitte et qui vise à récompenser les compagnies jouissant d'une solide croissance et mettant de l'avant des politiques novatrices de gestion des ressources humaines.