Nourrir les alumineries affamées d'électricité coûte 2,5 milliards de dollars par année à l'État québécois, ce qui revient à donner une subvention d'environ 250 000$ par année à chaque employé d'Alcan et d'Alcoa (AA), selon l'ancien patron de la Standard Life, Claude Garcia, qui publie aujourd'hui une étude en faveur de la privatisation d'Hydro-Québec.

La somme de 2,5 milliards provient de la différence entre les tarifs d'électricité consentis aux alumineries et le prix de vente de cette énergie sur le marché américain. Ainsi, en 2005, les alumineries ont payé leur électricité 3 cents le kilowattheure alors qu'Hydro-Québec a obtenu 9,6 cents pour le même kilowattheure vendu aux États-Unis, estime M. Garcia.Cette subvention aux alumineries varie d'année en année en fonction du prix de l'aluminium et serait sans doute plus élevée en 2009, alors que le prix du métal a chuté, a-t-il expliqué au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Chose certaine, selon lui, le coût de la subvention accordée aux alumineries par l'entremise des bas tarifs d'électricité est supérieur aux retombées économiques de l'industrie, estimées à 2 milliards par année par les entreprises elles-mêmes.

La présence des alumineries dans les régions au aussi un effet pervers, selon lui, en empêchant les PME de s'installer là où Alcan et Alcoa sont présentes, parce qu'elles ne peuvent offrir des salaires aussi élevés que ces multinationales. Résultat, le taux de chômage n'est pas plus bas que la moyenne québécoise dans les régions où se trouvent les alumineries et il est même plus élevé dans certaines d'entre elles.

«Nous n'avons pas les moyens et il n'est pas dans notre intérêt de continuer à subventionner ainsi la production d'aluminium», soutient Claude Garcia dans son plaidoyer en faveur de la privatisation d'Hydro-Québec.

Une fois privatisée, Hydro refuserait de vendre son produit moins cher que ce qu'elle pourrait obtenir sur le marché et le gouvernement du Québec serait mal placé pour faire lui-même un chèque de 2 milliards par année à des grandes entreprises qui font beaucoup de profits, estime-t-il.

Actuellement, ce sont les Américains qui profitent des largesses d'Hydro-Québec, souligne-t-il. Dans le secteur du bois d'oeuvre des subventions de 2 milliards par année déclencherait une guerre commerciale avec les États-Unis. Si ce n'est pas le cas dans le secteur de l'aluminium, c'est que 90% du métal produit au Québec est exporté aux États-Unis.

«Pourquoi subventionner notre voisin du Sud aussi grassement?» demande Claude Garcia. Aux États-Unis, où l'électricité coûte plus cher qu'au Québec, la production d'aluminium est en baisse, illustre-t-il, en précisant qu'Alcoa vient de fermer une aluminerie au Texas et demande plus d'électricité pour augmenter sa production au Québec.

Le Québec peut vendre son électricité à Boston et à New York où les tarifs sont parmi les plus élevés aux États-Unis, plaide encore Claude Garcia. Il n'est pas dans la situation de l'Islande, qui n'a aucun marché à proximité pour son énergie.

Selon Claude Garcia, il n'est pas trop tard pour annuler les ententes conclues par le gouvernement québécois en 2008 et qui assure l'approvisionnement des alumineries existantes jusqu'en 2045.

«Tant que les travaux (d'agrandissement ou de modernisation) ne sont pas commencés, le gouvernement pourrait rompre ces accords en versant une compensation», explique-t-il.

Mettre fin aux ententes conclues avec les alumineries est d'autant plus important que l'entente qui permet à Hydro-Québec d'acheter à très bas prix l'électricité produite à Terre-Neuve prendra fin en 2041.

Les coûts d'Hydro-Québec augmenteront alors considérablement et l'approvisionnement des alumineries coûtera encore plus cher qu'actuellement. «Il n'y a pas lieu de consentir de nouvelles ententes et il est plutôt indiqué d'avertir l'industrie que les ententes actuelles ne seront pas renouvelées à un tarif préférentiel à leur échéance», soutient Claude Garcia.