Peu d'industries en ressources naturelles au Canada ont connu un sort heureux durant ce qui est devenu une année sombre pour ce secteur. Mais les sociétés minières de métaux de base ont été tout particulièrement affectées, alors que le crédit s'est resserré sur les marchés, la demande à l'échelle mondiale a chuté, et que les prix de tous les métaux, du zinc au cuivre en passant par le minerai de fer et l'aluminium, ont connu une dégringolade vertigineuse.

Et un analyste prédit que certaines des grandes entreprises minières canadiennes feront faillite avant même que la situation ne commence à s'améliorer.

«Je pense qu'il y aura cinq faillites avant que le second trimestre (de 2009) ne se termine, et certaines d'entre elles concerneront des entreprises assez importantes», a affirmé Andrew Martyn, vice-président de la firme torontoise en conseils en placements Davis-Rea Ltd.

Plusieurs entreprises canadiennes, telles que Vale Inco, Xstrata Canada ou Rio Tinto Alcan, ont renoncé à des projets d'expansion, supprimé des emplois et fermé des mines déficitaires pour être en mesure de conserver des liquidités et traverser l'une des périodes les plus difficiles pour leur industrie depuis des décennies.

Il y a aussi des discussions pour d'éventuels regroupements dans ce secteur d'activité, plus particulièrement d'entreprises disposant de beaucoup de liquidités et qui sont convoitées par des prétendants de plus grande envergure, mais éprouvant des problèmes financiers. Cependant, tant que les marchés du crédit demeureront volatils, le financement pour procéder à une importante fusion ou une acquisition restera difficile à obtenir.

Le cours des événements de l'année dernière a démontré à quelle vitesse un cycle d'emballement-effondrement peut se terminer.

Au début de 2008, le géant australien BHP Billiton a déposé une offre hostile pour l'achat de Rio Tinto, une proposition qui aurait créé la plus importante société minière au monde si elle était acceptée. Entre-temps, l'entreprise basée en Suisse Xstrata projetait d'acquérir le producteur de platine Lonmin.

Mais à la fin de l'automne, Xstrata est revenue sur son offre d'achat, et BHP Billiton a renoncé à son offre d'une valeur de 68 milliards $, invoquant la baisse des prix des produits de base et le ralentissement économique mondial.

Trois semaines plus tard, Rio Tinto a annoncé la suppression de 14 000 emplois et la réduction de sa production mondiale, une décision qui impliquait la suspension d'un projet de développement au Canada, où l'entreprise contrôle les sociétés Alcan et Iron Ore.

Les prix du cuivre, du nickel et du zinc sont montés en flèche au cours des dernières années, propulsés par une importante hausse de la demande de la part des économies émergentes, comme la Chine et l'Inde, qui utilisent ces métaux pour produire de l'acier et pour des projets d'investissement. Mais au fur et à mesure que la crise financière mondiale s'est aggravée durant l'automne, bon nombre de sociétés minières ont été heurtées sur deux fronts.

D'abord, la prise de conscience du fait que les économies émergentes n'étaient pas «immunisées» contre le ralentissement économique mondial a provoqué la chute des prix des métaux.

Selon Peter Hickson, analyste à la firme UBS Investment Bank, l'idée que la croissance économique de la Chine allait ralentir a été un facteur majeur dans le sentiment de valeurs à la baisse qui a affecté les produits de base.

Ensuite, alors même que les marchés du crédit sont devenus pratiquement inaccessibles de septembre à octobre, plusieurs sociétés minières n'ont pas été en mesure d'obtenir le financement dont elles avaient besoin pour maintenir en activité leurs mines moins rentables. De plus, le cours des actions a dégringolé sur les marchés boursiers, les investisseurs trouvant refuge dans des valeurs jugées plus sûres.

Ainsi, le prix du cuivre a baissé à environ 1,50 $ US la livre, après avoir atteint plus de 4 $ au cours de l'été. La livre de zinc se vend approximativement 50 cents US, alors qu'en février, elle se négociait au-dessus de 1,20 $. Pour sa part, la livre de nickel se négocie à quelque 4 $ US, alors qu'elle s'écoulait à 15 $ sur les marchés en février.

Peter Hickson estime qu'avec des prix aussi bas, un nombre renversant de producteurs de métal ne sont désormais plus rentables. Selon lui, de 60 à 70 pour cent des producteurs de zinc ne font plus d'argent, alors que 40 à 50 pour cent des producteurs de nickel et 30 à 40 pour cent des producteurs de cuivre se retrouvent dans pareille situation.

Pour faire face à la chute des prix des métaux, plusieurs sociétés minières de métaux de base - dont Lundin Mining (TSX:LUN), First Nickel (TSX:FNI) et FNX Mining (TSX:FNX) - ont fermé temporairement leurs mines les moins rentables. Certains analystes estiment que ces mesures pourraient mener à une pénurie dans les produits et à un rebond marqué des prix en 2009.

Mais si Peter Hickson prédit que les prix des produits de base et des actions commenceront à rebondir dès le début de 2009, Andrew Martyn, lui, se fait plus pessimiste. Le vice-président de la firme Davis-Rea croit en effet que les prix des métaux de base ne repartiront à la hausse que lorsque des mines fermeront leurs portes définitivement.