La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Stephen Rosenhek, président des boutiques Le Naturiste, répond aujourd'hui aux questions d'Ashton LeBlond, fondateur et président de Chez Ashton.

Jeune, étiez-vous destiné à une carrière entrepreneuriale ? Êtes-vous issu d'une famille d'entrepreneurs ?

Mon père était avocat, son père aussi et ma soeur est devenue avocate. J'étais donc destiné à devenir un professionnel. Après mon baccalauréat, j'ai suivi un MBA. Après quoi une amie de la famille m'a suggéré d'obtenir le titre de comptable agréé (aujourd'hui CPA). J'ai commencé ma carrière dans un bureau de comptables à Montréal. Le but était de rester deux ans, le temps de devenir comptable professionnel. Ça a pris finalement 25 ans avant que je parte ! Je conseillais surtout des institutions financières et des entrepreneurs sur la façon d'améliorer la rentabilité d'une entreprise et de maximiser la valeur d'une organisation. En milieu de carrière, après avoir passé plusieurs années en tant qu'associé directeur, c'était le temps de changer de carrière. C'est là que j'ai acheté Le Naturiste.

Y a-t-il une personne marquante dans votre parcours (mentor) et, si oui, de quelle façon vous a-t-elle influencé ?

J'ai appris beaucoup de celui qui était l'associé directeur du bureau avant moi. À titre de jeune comptable, avec la bouche fermée et les oreilles grandes ouvertes, je l'ai vu gérer des réunions, se pencher sur les problèmes de l'entreprise. Il m'a appris à rester au-dessus de la mêlée, à ne jamais laisser la complexité de l'entrepreneuriat ou de la vie quotidienne interférer avec le besoin d'avancer et de prendre des décisions. Il était capable de ne pas se perdre dans les détails et d'avoir une vue globale, une compétence très importante comme consultant, mais aussi en affaires. Oui, je dois savoir comment tout fonctionne, comment ça se déroule dans nos magasins, mais il est aussi nécessaire de ne pas toujours chercher la réponse idéale.

Voyez-vous les nouvelles technologies et le commerce en ligne comme un frein pour votre secteur d'activité ou comme une occasion de saisir d'autres marchés ?

Les nouvelles technologies représentent à la fois une menace et une occasion en or pour les détaillants. Je trouve que les détaillants traditionnels sont lents à intégrer les nouvelles technologies dans leur modèle d'affaires. Je ne sais pas pourquoi ; l'expérience client peut être améliorée en utilisant les technologies. Lorsque le personnel est occupé, les outils technologiques peuvent proposer des produits complémentaires, aider le consommateur à imaginer son look ou à trouver un produit à l'épicerie, donner plus de détails sur la raquette de tennis idéale...

On ne peut échapper non plus au commerce en ligne. C'est pratique, l'offre est illimitée et ça prend une place de plus en plus importante, avec ses forces et ses faiblesses. Les détaillants ne peuvent pas l'ignorer. Quand j'ai acheté Le Naturiste, il n'avait même pas de site web. Aujourd'hui, on a non seulement un magasin en ligne, on a des blogues, un compte Instagram, des conseils sur les articles... Toutes sortes de choses pour vendre des produits, mais également en mettre sur le marché de nouveaux. On a aussi créé un naturopathe virtuel qui fera son entrée en magasin dans les prochains mois. Le client qui ne veut pas parler à un conseiller pourra ainsi faire une recherche par symptôme ou par produit, poser des questions et recevoir des conseils.

Comment faites-vous pour vous assurer de la qualité de vos matières premières ?

Je sais qu'il y a beaucoup de questions sur les produits naturels. Nous pouvons uniquement faire élaborer nos produits de santé naturels auprès de fabricants qui se conforment aux normes de Santé Canada. Nos produits sont seulement préparés au Canada et aux États-Unis, à l'exception de produits spécialisés qui sont fabriqués en France. Tous nos fournisseurs testent nos matières premières pour les métaux lourds et les autres contaminants possibles avant la fabrication. Nos produits doivent passer par des tests de confirmation et des analyses de laboratoire avant d'être distribués. On fait aussi des tests supplémentaires au hasard dans des laboratoires indépendants pour s'assurer que les ingrédients inscrits sur la bouteille s'y retrouvent vraiment et que nos produits sont stables.

Êtes-vous préoccupé par la pérennité des valeurs et de la mission de votre entreprise lorsque vous devrez la transmettre à quelqu'un d'autre ?

Naturiste a été fondé il y a 50 ans. C'est quelque chose dont je suis assez fier. Jean-Marc Brunet a vraiment bâti la référence dans les produits de santé naturels au Québec. J'ai repris le flambeau et ça faisait partie de ma mission de ramener Le Naturiste à ses racines et de m'assurer que les valeurs et la mission première soient toujours respectées. J'ai acheté l'entreprise en respectant son historique et en voulant bâtir dessus. L'équipe a travaillé très fort au cours des dernières années pour rétablir l'image que son fondateur d'origine avait bâtie. Je présume qu'un jour je vais vendre l'entreprise, mais c'est important pour moi que cette histoire soit honorée et se poursuive.

EN BREF

Le parcours de Stephen Rosenhek

Âge : 58 ans

Études : baccalauréat en sciences politiques de l'Université McGill, maîtrise en administration des affaires de l'Université Concordia et diplôme d'études supérieures en comptabilité publique de McGill

En poste depuis : septembre 2012

Nombre d'employés : environ 300

Avant d'être président : associé directeur du cabinet comptable RSM Richter Chamberland de 1984 à 2011