La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. François Deschênes, président et chef de la direction de Groupe Deschênes, répond aujourd'hui aux questions de Martin Valiquette, directeur général de la Laiterie Chalifoux/Riviera.

Vous êtes nouvellement en poste à titre de président et chef de la direction. Quels ont été les principaux défis de ce transfert de responsabilités entre frères ?

Les principaux défis étaient liés à la planification et à la préparation. Dans une entreprise familiale, l'émotion fait partie de la dynamique. On a un conseil d'administration qui compte des membres indépendants, dont le président. Il a joué un rôle primordial. C'est lui qui a fait le travail entre Martin et moi, qui a trouvé comment on allait s'organiser pour que je sois en plein contrôle et que Martin ne me porte pas ombrage après 17 ans. Il fallait s'entendre aussi sur le rôle de mon frère après, qui a été nommé vice-président du conseil. Martin a eu la délicatesse de me dire qu'il ne serait pas souvent au bureau pour que je puisse bâtir ma crédibilité plus rapidement. Je suis aussi membre d'Entrepreneur's Organization-Montréal. Leurs forums chaque mois m'ont aidé à mieux cerner mon positionnement et à voir tous les angles.

Votre C.A. est constitué de plusieurs membres de votre famille, et votre entreprise prône la relève familiale. Comment voyez-vous les rapports travail-famille ?

Il y a quatre membres de la famille dans le C.A., mais autant de membres indépendants. Quand j'étais plus jeune, on a suivi des séminaires en famille. On a appris assez tôt à faire la distinction entre trois points importants : un membre de la famille, un actionnaire ou un propriétaire de l'entreprise et un membre actif dans l'entreprise. Au fil des années, on a appris quel chapeau mettre lors de nos discussions. Mon père, par exemple, n'est plus actif dans l'entreprise, mais il est propriétaire et membre de la famille. Quand on parle ensemble, il ne me dit pas quoi faire dans l'entreprise.

On ne discute jamais d'aspects familiaux au C.A. On a un conseil de famille pour en parler au besoin. Mon père, mon frère et moi, on est aussi voisins de chalet. On ne parle jamais de business la fin de semaine, même si on soupe ensemble.

Vous avez un grand nombre de filiales. Expliquez-nous la stratégie derrière cette démarche d'acquisition.

Nos filiales sont organisées selon les régions ou le type de produits. Notre priorité, c'est de répondre aux besoins des clients. Les besoins des plombiers de Québec sont différents de ceux de Montréal. D'avoir une décentralisation nous permet de garder un esprit entrepreneurial dans chacune de nos neuf filiales. Quand on fait une acquisition, on n'arrive pas avec nos gros sabots, on garde la culture qui a fait le succès de l'entreprise. Notre siège social est là pour soutenir les filiales et leur enlever des tâches pour qu'elles se concentrent sur les clients.

Quelles ont été les étapes qui ont mené Groupe Deschênes, entreprise québécoise établie à Montréal, à devenir le plus grand distributeur de produits de plomberie et d'électricité au Canada ?

Nous sommes le troisième distributeur en importance au Canada, mais le plus grand de propriété canadienne. On a fait une trentaine d'acquisitions dans notre histoire. On vise une croissance ordonnée, parce que la santé financière est très importante pour nous. Dans un marché mature comme le nôtre, c'est sûr que la stratégie de croissance passe par les acquisitions, sauf que notre structure nous permet d'avoir un côté entrepreneurial. Ça nous a amené une croissance soutenue et organique. À chaque acquisition, on trouve des moyens de s'améliorer. On cherche de plus en plus des entreprises qui partagent nos valeurs humaines pour les intégrer plus facilement. Au cours des années, on a aussi diversifié nos produits, mais toujours dans le même créneau.

Comment se reflète l'innovation dans votre domaine ?

Ça passe beaucoup par la technologie. On a été récipiendaire il y a deux semaines aux Mercuriades dans la catégorie Développement-technologie web ou mobile dans les grandes entreprises pour notre site B2B (business-to-business). Il y a un côté transactionnel, mais aussi des outils qui facilitent la vie de nos clients, que ce soit la consultation de factures ou la vérification de commandes. Ça permet à nos gens d'avoir plus de temps pour utiliser leurs connaissances auprès des clients. On déploie en ce moment d'autres technologies, comme un logiciel pour optimiser nos routes de livraison, pour que nos clients ne perdent pas de temps. Dans le futur, il faudra innover davantage sur le plan de l'expérience client. On a plusieurs compétiteurs. On veut être en haut de la liste de nos clients quand ils pensent faire un achat. L'automne dernier, on a fait l'acquisition d'Ideal Supply, qui vend aussi des pièces automobiles. Leur volet logistique répond rapidement aux besoins des clients. On essaie de l'intégrer dans nos autres filiales.

Le parcours de François Deschênes en bref

ÂGE : 45 ans

ÉTUDES : François Deschênes est titulaire d'un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal et d'un EMBA McGill-HEC Montréal.

EN POSTE DEPUIS : janvier 2017

NOMBRE D'EMPLOYÉS : près de 2000

AVANT D'ÊTRE PRÉSIDENT : Au sein de l'entreprise familiale depuis l'an 2000, il a notamment occupé les postes de vice-président à l'approvisionnement et de vice-président marketing. Avant de prendre la tête de l'entreprise, il était vice-président à l'exploitation pour la région du Québec.