La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Martin Valiquette, directeur général de la Laiterie Chalifoux/Riviera, répond aujourd'hui aux questions de Geneviève Biron, présidente et chef de la direction de Biron Groupe Santé.

Parlez-moi de l'histoire de Riviera, fondée en 1920. Comment celle-ci façonne-t-elle votre avenir ?

C'est une grande question ! En remaniant la marque, on a gardé le slogan « Recette de famille » parce qu'on est dans la quatrième génération de propriétaires. Dans les plans, la cinquième génération prendrait la relève. Il y a donc des équipes par intérim qui assurent la direction pour mieux la faire prospérer afin de la remettre à la génération qui attend. On pense à long terme chez Riviera, on n'est pas une entreprise qui se fait acheter et revendre le lendemain. Il reste beaucoup de Chalifoux dans l'entreprise. Il y a un esprit de camaraderie, de famille, de petite ville aussi. Les Chalifoux à Sorel font partie de la communauté. Ce sont des aspects avec lesquels on travaille tous les jours.

Vous êtes en poste depuis 2014. Quelles sont les principales motivations et aspirations pour l'entreprise qui vous animent ?

Quand on est arrivés, avec ma petite équipe, le but était de lancer une marque de produits ultrafrais : des yogourts principalement, mais aussi de la crème fraîche, du fromage blanc et de la crème sure. L'idée était de diversifier l'entreprise pour prévenir un peu tout ce dont on entend parler avec les importations fromagères qui s'en viennent de l'Europe. On passait à l'offensive à la place d'être sur la défensive. On a décidé d'attaquer un marché qui ne pourra pas s'exporter d'Europe. On voulait relancer la marque Riviera pour qu'elle soit assez forte pour faire un halo sur les autres produits existants, mais moins connus, comme le parmesan.

En ce moment, on veut continuer tout ça. Il y a eu beaucoup, beaucoup de changements. On ne pensait pas qu'il y en aurait autant. On est passé d'une entreprise qui lançait un nouveau produit aux deux, trois ans à une entreprise qui a lancé 50 produits dans les deux dernières années. C'est un nouveau dynamisme qui a été créé. On a tellement travaillé fort pour initier quelque chose, on voudrait le continuer. C'est plus motivant aussi, on voit enfin des résultats.

Vous vous qualifiez de « petit joueur » dans l'industrie. Comment faites-vous pour tenir tête aux multinationales du milieu ?

Ça prend de la création. J'ai tout le temps dit qu'on peut faire du grand théâtre au TNM et de l'aussi bon théâtre sur le coin d'une rue. Je pense que c'est pareil en affaires. Quand tu as beaucoup de ressources, tu adoptes un modèle d'affaires lié aux ressources disponibles et atteignables. Quand tu n'en as pas, il faut que tu fasses preuve de créativité, que tu te débrouilles. On réussit à le faire justement avec de la créativité et en repensant les modèles. On est un zodiac et les multinationales sont des paquebots. On est petit, mais on bouge vite sur l'eau. Nos forces sont la flexibilité, la vitesse de réaction et l'agilité, ce que les gros joueurs n'ont pas. C'est sur ça qu'on essaie de capitaliser. Pour y avoir travaillé, je sais très bien par exemple que ce n'est pas possible de lancer 50 produits en deux ans pour une multinationale. On s'est donné comme mission d'être un précurseur de tendances laitières, une plateforme de lancement.

Comment le marketing a-t-il été réfléchi en fonction du produit pour mieux positionner la marque ?

Quand on a élaboré le marketing, on s'est basé sur le petit pot de verre. On s'était dit que ça allait être notre élément distinctif majeur. C'est sûr que c'était un « gamble » parce qu'on n'avait pas d'étude de marché. On pensait seulement tenir quelque chose. Finalement, le petit pot a tellement fait fureur qu'on a lancé les couvercles. On n'avait pas d'argent marketing, on a utilisé le produit même. Le coeur de notre marketing était de trouver comment mettre en valeur le petit pot qui nous a fait connaître. Encore aujourd'hui, les gens disent souvent qu'ils ne connaissent pas la Laiterie Chalifoux et que Riviera leur dit de quoi. Mais le petit pot ? Ils le connaissent. Tout le monde y a fait référence, tout le monde en a entendu parler, tout le monde en a apporté dans son lunch.

Si vous n'aviez qu'un seul conseil à donner sur le rôle de gestionnaire, quel serait-il ?

Un seul ? Ayez du plaisir en travaillant. Je suis un gars passionné et j'ai tout le temps eu du plaisir. Des fois, c'est un peu plate, on a beaucoup d'épreuves à surmonter et sans plaisir, je trouve que c'est difficile. Pourtant, en fin de compte, ça reste quelque chose d'agréable. C'est comme ça que je me motive. Et si je suis motivé et que j'ai du plaisir, je motive aussi mes équipes.

La semaine prochaine, François Deschênes, président et chef de la direction de Groupe Deschênes, répond aux questions de Martin Valiquette.

EN BREF

Le parcours de Martin Valiquette

Âge : 46 ans

Études : Martin Valiquette a un baccalauréat en administration des affaires avec spécialisation en marketing et un MBA de HEC Montréal.

En poste depuis : novembre 2014

Nombre d'employés : 170

Avant d'être directeur général : il a travaillé pendant près de 20 ans pour un autre fabricant de yogourt, Liberté, notamment à titre de directeur général de 2004 à 2013.