La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite.

Aimia a connu une importante croissance, principalement due à ses nombreuses acquisitions partout dans le monde. Quels sont selon vous les plus grands défis en adoptant une telle stratégie de développement et quels moyens déployez-vous pour les surmonter ?

Il y a trois grands défis. D'abord, le talent. Le Canada est privilégié à ce sujet, puisqu'il possède une main-d'oeuvre qualifiée, pleine de capacités. Le recrutement est plus difficile dans d'autres pays. Il faut aussi connaître les marchés que l'on veut investir, connaître leur culture et leurs valeurs. Au Canada, nous sommes chanceux de compter sur une diversité culturelle. Plusieurs employés qui travaillent chez Aimia sont nés dans les pays que nous convoitons. Leur connaissance intime du marché est une aide précieuse. Le troisième défi concerne les actionnaires. Je dois avouer qu'ils étaient sceptiques concernant notre stratégie d'expansion au départ. Nous avons dû les rallier et les convaincre que c'était la meilleure décision.

Quels sont les facteurs de succès pour qu'une entreprise arrive à offrir des services de qualité égale malgré la différence importante des cultures et des marchés qu'elle occupe  ?

La réponse revient à ce que je disais à la première question. Pour réussir dans un marché, vous devez vraiment comprendre les différences culturelles. Vous ne pouvez jamais savoir si la stratégie qui a fonctionné dans un pays fonctionnera dans un autre. On doit faire ses recherches et être bien préparé. Il faut aussi dénicher des gens qui sont impliqués dans cette culture. Chez Aimia, nous pouvons tirer profit de l'expérience internationale parmi nos employés pour nous déployer dans différents marchés. Je dirais que c'est aussi important de tester son approche avant de la déployer complètement.

Vous occupez maintenant votre rôle de chef de la direction depuis plus d'une décennie, durant laquelle Aimia a subi de multiples transformations. Comment votre rôle a-t-il évolué durant ces années  ?

Quand je suis arrivé en poste, on développait de nouvelles entreprises, on se diversifiait. En 2005, lorsque Aima a été introduite en Bourse, nous n'avions qu'une division. Nous en avons maintenant quatre. À l'époque, mon rôle était d'expliquer notre stratégie à des investisseurs potentiels tout en étant très impliqué dans les opérations. Dix ans plus tard, mon rôle est celui d'un gestionnaire de portefeuilles d'activités. Pour ce faire, j'ai l'aide des opérateurs responsables de chaque division, donc je suis moi-même moins impliqué qu'avant dans les opérations. J'ai commencé ma carrière comme un « spécialiste du cerveau » et l'application de la science et des données dans le marketing me fascine encore. D'une certaine façon, c'est l'aspect qui me manque le plus dans mon poste actuel.

De quelle façon la gestion de la fidélisation devra-t-elle se transformer pour s'adapter à l'arrivée de la dernière et des prochaines générations  ?

C'est une bonne question. Il faut d'abord comprendre ce qu'est la gestion de la fidélisation. Celle-ci est basée sur la connaissance du client, sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour lui. La nouvelle génération a des besoins différents. Pour elle, tout doit être mobile, numérique et immédiat. La fidélisation doit donc faire partie de sa vie de tous les jours. Les jeunes ne veulent pas traîner plusieurs cartes dans leur portefeuille, tout doit se retrouver dans leur cellulaire. Nous avons encore du travail à faire, mais nous devons prendre ce virage.

D'un point de vue plus personnel, il est facile de présumer que votre emploi du temps doit être très chargé. Comment établissez-vous un équilibre de vie agréable avec un rythme aussi effréné ?

C'est très difficile  ! Nous essayons d'encourager les employés à ne pas trop travailler et à prendre congé durant la fin de semaine. Comme entreprise, nous avons une approche plus européenne qu'américaine sur la question de la conciliation travail-famille. Je pense que nous devons aider nos employés à atteindre un certain équilibre. Nous faisons toutefois beaucoup affaire avec l'Asie, et il faut tenir compte du décalage de 12 heures dans notre horaire et nos procédés.

Il faut aussi donner l'exemple. De mon côté, j'essaie d'être discipliné, je me garde en forme, je prends mon vélo pour me rendre au travail. Peut-être que je vis dans le déni, mais je crois que j'ai réussi, à quelques exceptions près, à ne pas travailler durant le week-end dans la dernière année. Par contre, j'avoue que je vérifie mes courriels le dimanche soir pour préparer la semaine qui vient.

Le parcours de Rupert Duchesne en bref

Âge : 57 ans

Études : Rupert Duchesne est titulaire d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université de Manchester et d'un baccalauréat spécialisé en pharmacologie de l'Université de Leeds.

En poste depuis : juin 2005

Nombre d'employés : 3200, répartis dans 17 pays

Avant d'être PDG : il a passé 12 ans à offrir des services-conseils en matière de stratégie et d'investissements avant de se joindre à Air Canada en 1996, où il a occupé les postes de vice-président marketing, de premier vice-président réseau international et de responsable en chef de l'intégration supervisant l'intégration d'Air Canada et de Canadian Airlines.