La Presse Affaires donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite.

Louis T. Lemay, président et facilitateur de l'excellence de la firme d'architectes Lemay, répond aujourd'hui aux questions de Claude Joli-Coeur, commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'Office national du film (ONF).

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Il y a deux types de sources d'inspiration. Il y en a une qui est pour l'architecture et c'est la beauté sous toutes ses formes : la nature, l'art, l'humain. Le deuxième aspect touche plus au côté affaires. Je suis inspiré par les entrepreneurs qui réussissent à exporter notre savoir-faire et qui créent de la richesse au Québec. Un de mes exemples très tôt dans ma carrière a été Bernard Lamarre [qui a dirigé la firme d'ingénierie Lavalin], qui était un modèle pour moi.

Quels sont les architectes qui vous ont influencé ou ont été déterminants dans votre développement créatif ?

Au début de ma formation en architecture, j'ai étudié les théories des grands architectes du mouvement moderne, donc j'ai évidemment été influencé par la modernité et l'architecture contemporaine. Ceux qui m'ont le plus influencé sont Le Corbusier en Europe et Mies van der Rohe aux États-Unis. J'ai visité plusieurs de leurs oeuvres et j'ai découvert que l'architecture, en plus d'avoir un rôle pratique et fonctionnel, pouvait émouvoir. C'est vraiment l'émotion qui influence les gens et leur vie.

Comment favorisez-vous l'innovation et la créativité au sein de votre équipe et chez vos collaborateurs ?

La création est une de nos valeurs fondamentales. Ce qu'on fait, c'est qu'on établit premièrement une vision qui est partagée par l'équipe pour viser l'excellence. Ensuite, on préconise une approche collective, un climat de travail qui permet à tout un chacun de s'exprimer, d'émettre ses idées. On accepte aussi qu'on puisse commettre des erreurs et apprendre de celles-ci. Notre approche est plus axée sur la performance que sur l'effort.

Mon rôle est d'ailleurs celui de facilitateur de l'excellence. Je soutiens les gens dans leurs initiatives. En créativité, ça veut dire regarder une situation avec un oeil différent, se demander comment on pourrait faire mieux en étant distinctif tout en assurant toujours la pérennité de notre environnement.

Vous avez réalisé des projets formidables autant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Duquel êtes-vous le plus fier ?

C'est difficile à dire parce que chaque projet nous aide à développer le suivant. Donc, on est toujours un peu plus fier de nos derniers projets. Dans les années 90, le bâtiment dont j'étais le plus fier était le Centre Molson [Centre Bell aujourd'hui], un des premiers amphithéâtres en milieu urbain en Amérique. C'était une grande source de fierté pour moi que le Canadien choisisse une firme québécoise.

Aujourd'hui, je suis fier de plusieurs projets, mais pour des raisons différentes. Par exemple, on a réalisé un amphithéâtre au parc du Champ-de-Mars en Haïti. J'en suis fier parce que ça fait partie d'un projet de reconstruction de Port-au-Prince. Ça redonne un espace civique où les citoyens peuvent se retrouver, se réunir et consolider leurs énergies. On est aussi en train de construire le Quartier de la Montagne, un investissement majeur à Montréal, qui va redéfinir une partie du centre-ville. 

Les projets qui m'animent le plus aujourd'hui sont ceux qui, en plus d'être beaux, visent à rétablir l'équilibre entre l'homme et la nature. Par exemple, la bibliothèque du Boisé à Saint-Laurent est posée de façon très délicate dans le paysage et inclut des notions de développement durable. Même chose pour le centre d'entretien Stinson de la STM. À partir d'une commande pour construire un garage, on a créé un exemple de développement durable dans toutes ses composantes.

Quels conseils donneriez-vous aux futurs jeunes architectes ?

L'architecture, c'est plus qu'une profession, c'est une façon d'être et de penser. Ce n'est pas un emploi de 9 à 5. C'est une profession qui, un peu comme le bon vin, s'améliore toute notre vie. Le grand architecte Frank Lloyd Wright a réalisé le Guggenheim de New York à 89 ans. Frank Gehry, à 82 ans, vient de créer le musée de la Fondation Louis Vuitton à Paris. Être architecte, ce n'est pas un sprint, c'est un marathon. Il faut faire preuve de persévérance et de discipline, en conservant une grande curiosité et en voulant toujours se dépasser et se renouveler.

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À lire la semaine prochaine : le président et chef de la direction du Groupe Sportscene, Jean Bédard, répond aux questions de Louis T. Lemay

LE PARCOURS DE LOUIS T. LEMAY EN BREF

Âge : 56 ans

Études : baccalauréat en architecture de l'Université Laval

Président depuis : 1998

Nombre d'employés : près de 400

Avant de diriger Lemay : Après l'obtention de son diplôme en 1984, il a travaillé aux États-Unis et dans l'Ouest canadien avant de se joindre à la firme cofondée par son père.