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On dit souvent qu'il faut trouver une bonne idée pour se lancer en affaires. Mais le chemin pour avoir cette étincelle est parfois aussi mystérieux qu'il peut être ardu. Philippe Poirier, Mathieu Poirier et Paul Shenouda le savent bien. Les deux frères et leur meilleur ami ont cherché pendant longtemps LA bonne idée pour se lancer en affaires.

Le déclic s'est fait à la lecture d'un rapport de l'ONU, publié en 2013 et intitulé Edible insects : Future prospects for food and feed security (Insectes comestibles : perspective d'avenir pour l'alimentation et la sécurité alimentaire). Le document décrivait l'importance d'intégrer les insectes dans l'alimentation de l'humain. L'élevage des insectes exige moins d'eau, de nourriture et d'espace qu'un élevage d'animaux, en plus de produire moins de CO2 que tout autre élevage « de sources de protéines ».

Les trois hommes, dans la mi-vingtaine, savaient qu'ils tenaient un bon filon. Ne restait plus qu'à pousser l'idée un peu plus loin. Et tenir compte du fait que les Canadiens ne sont peut-être pas prêts à intégrer les insectes dans leur alimentation. Pousser les gens à consommer des insectes ? Non. Mais pourquoi pas leurs chiens ?

C'est ainsi que l'entreprise Hexa Foods et son premier produit, BugBites, ont vu le jour. BugBites est une nourriture pour chiens à base de fruits, de légumes... et de farine de grillons. C'est une ferme de l'Ontario qui approvisionne l'entreprise en farine d'insectes. Une ferme qui, grâce au même rapport de l'ONU, a réussi à obtenir du financement pour accroître sa production.

Philippe Poirier, le président d'Hexa Foods, répond à nos questions.

Quels sont les défis d'Hexa Foods et de BugBites ?

Il y a un gros travail de marketing et d'éducation à faire auprès du public. Et surtout auprès des propriétaires de chiens. Plusieurs d'entre eux sont réticents à l'idée de donner une nourriture à base d'insectes à leurs animaux. Alors que la plupart des chiens en mangent déjà pendant la belle saison. Mais une fois qu'ils sont au courant des avantages pour l'environnement et qu'on leur dit que les propriétés nutritives des grillons sont très élevées, les maîtres deviennent très ouverts. Il faut en moyenne 9000 litres d'eau et 10 livres de nourriture pour produire une seule livre de boeuf, alors que la production d'une livre de grillons ne demande que 4 litres d'eau et 1,7 livre de nourriture.

Quel a été votre pire échec, duquel vous avez appris ?

On a fait une entrée trop rapide sur le marché, et pas assez ciblée. Foire commerciale, magasins en Ontario, achat de publicité dans des magazines ; on acceptait tout, au lieu de prendre le temps de bien s'implanter et de choisir les meilleures occasions. Résultats : on a vécu une grande pression financière, et aussi humaine, qu'on ne pouvait pas supporter. Nous n'avions pas l'argent, l'énergie ou les employés pour mener à terme tous les dossiers. On a compris maintenant qu'il vaut mieux prendre son temps et faire les choses plus tranquillement.

Où vous voyez-vous dans 10 ans ?

On espère que notre entreprise sera devenue une courroie importante dans le domaine de l'alimentation. Nous voulons, avec Hexa Foods, apporter une bonne dose d'innovation dans le système alimentaire. Nous avons plusieurs autres projets sur la table, dont un projet de nourriture pour chats qui devrait voir le jour dans un futur très rapproché. J'espère aussi que, dans 10 ans, nous aurons des employés pour nous aider. Nous n'avons pour l'instant que deux employés à temps partiel.

Nommez-moi une personne qui vous inspire.

L'inventeur Elon Musk nous inspire parce qu'il ne chasse jamais le profit ou l'occasion d'affaires qui le rendra encore plus riche. Il s'attaque aux problèmes humanitaires, écologiques ou mondiaux et il essaie de trouver des solutions audacieuses pour les régler. Son choix se porte très souvent sur des problématiques laissées de côté par les grandes entreprises qui refusent de s'engager parce qu'elles ont peur de ne pas faire assez de profits ou de perdre de l'argent. Pas lui...