Émilie Robert, conseillère d'orientation au collège Montmorency auprès d'une clientèle en situation de handicap, livre ses pistes de solution dans le livre Les personnes autistes et le choix professionnel - Les défis de l'intervention en orientation.

L'augmentation de la clientèle atteinte du trouble du spectre de l'autisme dans les cégeps a été de 400% depuis 2009.

Chaque élève autiste est différent, mais plusieurs réussiront à trouver leur place professionnellement et à devenir autonomes une fois bien installés dans leur vie adulte. Leur cheminement pour réaliser leur choix de carrière risque toutefois d'être complexe, d'autant plus que bon nombre de jeunes autistes souffrent également d'anxiété.

Guillaume aimait une chose dans la vie: regarder des films. Son choix de programme au cégep s'était fait facilement: arts et lettres, profil cinéma. Or, une fois en classe, il a rapidement réalisé qu'il n'aimait pas analyser les films, encore moins en créer en équipe.

«Un étudiant autiste a souvent un intérêt très pointu qui ne correspondra pas aux réalités du programme d'études ni à celles du marché du travail», indique Émilie Robert.

On estime qu'un enfant sur 115 reçoit un diagnostic du trouble du spectre de l'autisme (TSA). Sur 10 personnes autistes, 8 sont des hommes. Ils ont un déficit persistant dans la communication et l'interaction sociale, et ils ont des activités ou des intérêts restreints et répétitifs.

D'après les observations d'Émilie Robert, il faut suivre de très près l'évolution du jeune dans son programme d'études pour s'assurer qu'il est à la bonne place.

Habiletés

Les habiletés du jeune autiste sont toutefois un élément intéressant à regarder, d'après Émilie Robert. Par exemple, elle raconte dans son livre l'histoire de Frédéric. Il avait longtemps hésité entre le programme de technique d'architecture et le dessin pour les jeux vidéo.

Il avait finalement opté pour le premier, mais il y était malheureux et ses notes baissaient. L'un de ses grands enjeux était l'angoisse de la perfection. Cela le poussait à toujours remettre ses travaux à plus tard.

Émilie Robert a deviné que le dessin engendrerait les mêmes difficultés. Elle a donc analysé ses habiletés: il est méticuleux, soucieux du détail et patient lorsqu'il aime ce qu'il fait. Il est habile avec les logiciels, il aime travailler en solitaire et il a besoin d'évoluer dans un endroit silencieux et calme.

Dans un comité étudiant, il aimait rédiger les procès-verbaux des réunions, puis s'occuper de classer et de conserver les documents. Avec l'orthopédagogue, Émilie Robert a conseillé à Frédéric de travailler comme commis au classement à la bibliothèque du collège tout en étudiant.

Cette expérience s'est avérée concluante. La conseillère d'orientation lui a alors proposé de poursuivre ses études à l'université dans l'archivistique. Après beaucoup de patience et quelques ruses pour déjouer l'anxiété de Frédéric, elle a réussi à l'amener à s'inscrire au programme.

Pour augmenter les chances que le choix de programme se traduise par une bonne intégration sur le marché du travail, Émilie Robert conseille aux élèves autistes d'aller à la rencontre de travailleurs et de visiter des milieux de travail. Ainsi, on pourra éviter de mauvaises surprises et faire des découvertes intéressantes.

Patience et réalisme

Toutefois, tout ne se passe pas toujours comme espéré et, parfois, il faut réagir rapidement. Ce fut le cas pour Guillaume. Il était très malheureux au cégep en cinéma, ses notes dépérissaient, son comportement aussi. Après avoir envisagé différentes avenues, dont des changements de programme, il est devenu évident que le mieux était de retirer rapidement Guillaume du collège.

«Pour être heureux, à ce moment-là, il avait besoin d'un emploi simple et prévisible, alors avec un service d'aide à l'emploi, il s'est trouvé un travail de manutentionnaire», explique Émilie Robert.

Guillaume a toutefois les capacités de réaliser des études universitaires et un excellent dossier scolaire, alors il pourrait revenir au cégep s'il le souhaite.

«Le cheminement des jeunes autistes est souvent plus long, remarque la conseillère d'orientation. Puis, souvent, vers 40 ans, ils ont une meilleure confiance en eux, leurs difficultés se résorbent, ils arrivent à mieux gérer leur anxiété, ils ont un emploi plus stable. Plusieurs ont même un amoureux.»

Sur le marché du travail

Pour atteindre l'autonomie socioprofessionnelle, le jeune devra trouver un employeur prêt à lui donner une chance et capable d'apprécier ses qualités.

«Certains autistes ont une vision quasi photographique, d'autres ont la capacité de rester concentrés de longues heures sur une tâche répétitive, indique Émilie Robert. Ils sont souvent hyper loyaux, ponctuels et rassurés par des règles bien définies.»

Certains milieux de travail sont mieux adaptés que d'autres à leur réalité. Par exemple, l'environnement très contrôlé des laboratoires. Et le domaine de l'informatique.

«Les autistes intéressés par l'informatique ont souvent un cheminement plus facile que les autres puisque le travail se fait seul, devant un écran, explique Mme Robert. Leur travail est centré sur l'objet plutôt que sur la personne. Leur vision du monde y est moins vue comme excentrique.»