Plus le mercure s'emballe, plus il est pénible d'exécuter son boulot - à moins de travailler à l'air climatisé. Des moyens de prévention simples peuvent éviter des affections potentiellement mortelles, mais aussi des accidents de travail.

Assigner des tâches plus légères. Prévoir des pauses plus longues et plus fréquentes dans un endroit climatisé ou à l'ombre. Porter des vêtements légers de couleurs claires. Boire de l'eau fraîche en quantité suffisante, soit un verre toutes les 20 minutes. Voilà des mesures toutes simples à mettre en place pour protéger les travailleurs des affections dues à la chaleur - dont la plus grave et la plus connue est le coup de chaleur.

«Le véritable coup de chaleur est généralement mortel», rappelle Pierre Dessureault, professeur en génie industriel à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui s'intéresse au travail sous contrainte thermique depuis plus de 30 ans.

Les symptômes du coup de chaleur ne trompent pas et surviennent en quelques heures: fièvre élevée allant jusqu'à 42°C, confusion, propos incohérents, étourdissements, perte d'équilibre, nausées, vomissements... «Si vous vous sentez ainsi ou si vous percevez ces signes chez un collègue, appelez le 9-1-1», précise M. Dessureault.

Des secteurs d'emploi sont plus à risque que d'autres, comme la construction, le transport et l'entreposage, l'agriculture, les mines, la foresterie, la pêche et l'administration publique (cols bleus, pompiers et policiers) - là, finalement, où les tâches physiques sont les plus lourdes.

Certains travailleurs sont plus vulnérables, à commencer par ceux qui ont souffert de problèmes cardiaques, qui contrôlent moins bien leur diabète, qui présentent de l'embonpoint ou qui sont moins acclimatés au temps chaud.

Les employés les plus hardis sont aussi à surveiller. «Dans les enquêtes post-accident, on se rend compte que c'est toujours le plus travaillant de la gang qui est mort d'un coup de chaleur», observe M. Dessureault.

Heureusement, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) ne déplore aucun décès par coup de chaleur depuis 2007. Comme quoi les campagnes de prévention fonctionnent.

En revanche, chaque année, environ 22 travailleurs québécois sont victimes d'un malaise provoqué par des températures élevées, toujours selon les données de la CSST. Il peut s'agir d'une syncope ou d'un épuisement dus à la chaleur.

L'épuisement dû à la chaleur s'installe au bout de quelques jours, alors que le travailleur se déshydrate progressivement. Il éprouve une fatigue généralisée, de la lassitude, de l'irritabilité. L'appétit n'y est plus. «C'est un désordre sérieux et tout employé qui en souffre devrait être retiré», déclare Pierre Dessureault.

La syncope due à la chaleur résulte d'une chute abrupte de la pression sanguine qui provoque une perte de connaissance. Bien que la syncope soit la moins grave des affections attribuables à la chaleur, il ne faut pas pour autant la banaliser. «Au travail, les conséquences de la chute peuvent être dramatiques, ne serait-ce que si l'employé déboule un escalier ou tombe d'une installation en hauteur», signale M. Dessureault.

Un accident est vite arrivé

Par temps caniculaire, la sécurité des travailleurs est aussi menacée. Une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) a recensé 375 000 accidents de travail reconnus comme tels par la CSST, survenus à l'échelle de la province entre 2003 et 2010, dans la période de mai à septembre, soit une moyenne de 19 accidents par jour.

On parle ici de contusions, d'entorses, d'ecchymoses, de plaies ouvertes, de fractures, de brûlures, etc. La conclusion des chercheurs: plus la température augmente, plus il se produit d'accidents.

«Si la relation entre l'exposition à la chaleur et les problèmes de santé était connue, cela n'allait pas de soi pour les accidents, fait remarquer France Labrèche, chercheuse principale de l'étude et épidémiologiste. Un accident peut toujours être attribué à de multiples facteurs. Or, nous pensons que la chaleur en fait partie. Les travailleurs exposés à la chaleur peuvent être plus fatigués et manquer de vigilance. La transpiration plus abondante peut nuire à leur dextérité. Tout cela entraîne des comportements non sécuritaires.»

L'équipe de l'IRSST a également montré que le nombre quotidien de problèmes de santé liés à la chaleur augmente de 42% chaque fois que s'ajoute 1 °C à la température maximale journalière.

Dans une moindre mesure, ils observent la même chose pour le nombre d'accidents de travail, qui progresse de 0,2%. Autrement dit, gare au réchauffement climatique!

«Avec les hausses prévues des températures estivales, les lésions professionnelles et les accidents de travail pourraient croître si on ne met pas en place des mesures plus spécifiques pour la santé et la sécurité des travailleurs», estime le chercheur Joseph Zayed, qui cosigne l'étude.

Pour connaître les risques auxquels s'exposent les travailleurs par temps chaud, il faut calculer l'indice réel de la chaleur ressentie au boulot. Les éléments à prendre en compte? Entre autres, la température de l'air, le taux d'humidité, l'ensoleillement et la charge de travail.

Combiner toutes ces données peut se révéler fastidieux pour les petits entrepreneurs. Pour les aider, Pierre Dessureault, professeur à l'UQTR, et Daniel Drolet, professionnel scientifique à l'IRSST, ont mis au point un fichier Excel à télécharger gratuitement.

On y entre une poignée de données, comme la température de l'air à l'ombre, le lieu de travail et l'humidité relative. En quelques clics, le fichier fournit un indice de risque à l'image des feux de signalisation - vert, jaune et rouge - et les mesures de sécurité à adopter. Simple et pratique!

www.irsst.qc.ca/-outil-utilitaires-pour-les-contraintes-thermiques-en-milieu-de-travail.html