Évoluer dans un environnement de travail sans patron ni titres ? C'est possible dans certaines entreprises, de plus en plus nombreuses, qui ont décidé d'abandonner la hiérarchie traditionnelle.

Fin 2013, le géant du commerce en ligne Zappos annonçait qu'il allait changer complètement sa structure organisationnelle. Au lieu d'une approche pyramidale « topdown », l'entreprise américaine allait adopter un modèle holacratique, qui distribue les responsabilités de manière plus équitable.

Exit, donc, les patrons et les titres. Dans une telle organisation, les employés occupent chacun des rôles dans un « cercle » (une équipe) auto-organisé, qui représente un aspect de l'entreprise. Zappos a promis par exemple de créer 400 cercles pour ses 1500 employés.

Les employés se rencontrent en outre régulièrement lors de réunions « opérationnelles » et « de gouvernance », pour définir à la fois les défis à venir et les solutions, ainsi que les rôles de chacun dans le cercle.

Depuis l'annonce de Zappos, plusieurs centaines de petites entreprises ont suivi le modèle aux États-Unis, dont Medium, l'entreprise en démarrage fondée par l'ancien directeur général de Twitter, Evan Williams.

Méconnu au Québec

Au Québec, le phénomène est encore méconnu. HolocracyOne, société fondée par le créateur du concept, Brian Robertson, et qui aide les entreprises à faire la transition vers le modèle holacratique, ne recense qu'une seule entreprise du genre au Canada... en Ontario.

Cela n'empêche pas de jeunes entreprises d'ici d'adopter certains principes de l'holacratie. C'est le cas de Horse & Cart, petite agence de publicité montréalaise qui compte quatre employés et une dizaine de pigistes.

Pour Brendan Tully Walsh, cofondateur de l'agence, la transition l'année dernière vers le modèle holacratique s'est faite organiquement. Le modèle permet tout simplement à ses employés de s'impliquer davantage et de prendre des initiatives.

« Mais cette initiative peut changer, souligne-t-il. Je suis écrivain, donc je suis naturellement enclin vers le contenu. Un développeur avec un intérêt pour le design peut devenir "leader de groupe" du design. »

De sociocratie à holacratie

L'holacratie n'est pas un phénomène nouveau. Le sociocratie, par exemple, un mode de gouvernance inventé par l'ingénieur Gerard Endenburg aux Pays-Bas, existe depuis les années 70. Tout comme l'holacratie, la sociocratie fonctionne selon des cercles de concertation et rejette la pyramide hiérarchique pour les prises de décision.

« L'holacratie n'a rien inventé », laisse tomber Gilles Charest, président de la firme de consultants Sociogest et auteur du livre La démocratie se meurt, vive la sociocratie.

« Dans la sociocratie, la grande nouveauté, c'est que pour amener des changements des comportements, il faut amener des changements au niveau de la structure. [...] Avec les cercles, on rétablit cet équilibre. On a un feedback qui vient de la base, on a de l'autorégulation dans le système », poursuit-il.

Le consultant estime néanmoins que les transitions vers de nouveaux types de gouvernance doivent se faire en douceur.

Chez Zappos, des dizaines d'employés ont claqué la porte après la transition, estimant le nouveau modèle holacratique trop rigide et formaté. Le jargon très complexe propre au système - les équipes deviennent des « cercles », faire son travail devient « énergiser un rôle » - ne plaît pas à tous.

« Dans un changement comme celui-là, ce n'est pas tout le monde qui est à l'aise d'être dans un mode participatif où il faut prendre ses responsabilités. Ça demande de la sécurité personnelle, ça demande du coaching », estime M. Charest.

Brendan Tully Walsh croit pour sa part que l'holacratie fonctionne bien pour son agence, car elle est de taille modeste : « Je pense que dans une entreprise plus grande, le système deviendrait trop lourd. »