La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a reconduit son programme Interconnexion pour l'insertion d'immigrants en emploi après avoir reçu 3 millions sur trois ans du gouvernement québécois. Le taux de placement des participants dans leur domaine d'activité a atteint près de 65 % l'an dernier.

Rida Miraoui, d'origine marocaine, est arrivé au Québec en 2010 après avoir travaillé 10 ans en ressources humaines en Arabie saoudite. Il a cherché un travail intéressant, mais en vain. Son problème : il n'avait pas d'expérience québécoise. Il a finalement entrepris un baccalauréat dans le domaine à HEC Montréal et, au cours de ses études, il a fait un stage non rémunéré chez Laboratoires Bug Tracker avec le programme Interconnexion de la CCMM. Quelques mois plus tard, l'entreprise lui offrait de devenir coordonnateur des ressources humaines. Il a accepté le poste tout en terminant son baccalauréat à temps plein.

« J'ai dû faire des sacrifices dans ma vie personnelle », dit-il.

Ses efforts ont porté leurs fruits, puisque quelques mois plus tard, son patron lui donnait le titre de directeur des ressources humaines et l'invitait à se joindre au comité exécutif.

« Les immigrants qualifiés sous-utilisés sont nombreux et en parallèle, les entreprises ont souvent des besoins de main-d'oeuvre non comblés », remarque Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM.

Crédibilité auprès des entreprises

Interconnexion, sous la houlette de la CCMM, jouit d'une bonne crédibilité auprès des entreprises.

« Plusieurs PME ne sont pas équipées pour bien évaluer les diplômes et les expériences de travail réalisées à l'étranger, explique Michel Leblanc. Toutefois, elles nous font confiance. Nous travaillons à partir des besoins non comblés des entreprises. C'est une approche différente des organismes communautaires actifs auprès des immigrants, mais nous travaillons en partenariat avec eux pour trouver des personnes qualifiées. »

Interconnexion a l'objectif d'amener des entreprises à embaucher des immigrants, mais souvent, tout commence par un stage non rémunéré.

« C'est l'occasion pour l'immigrant de révéler son potentiel », dit M. Leblanc.

Si l'expérience ne permet pas à l'immigrant de décrocher un emploi, il aura au moins de la rétroaction.

« Parfois, l'immigrant a seulement besoin de quelques cours pour mieux comprendre le marché québécois, ou encore pour améliorer son français ou son anglais, explique M. Leblanc. La rétroaction lui permet ensuite d'agir. »

Les avantages de s'ouvrir sur le monde

Vous souhaitez exporter vos produits en Asie ? Imaginez les avantages d'avoir dans votre équipe quelqu'un qui y vivait récemment et qui y a des contacts.

L'histoire de Monica Tami, originaire de la Colombie, en est un exemple. Diplômée en administration, elle arrivait seulement à trouver des emplois non qualifiés à son arrivée au Québec, en 2013. Puis, Interconnexion l'a mise en contact avec Toon Boon Animation, une entreprise spécialisée en logiciels d'animation. L'entreprise de Montréal voulait justement développer le marché de l'Amérique latine.

« J'ai pu travailler en espagnol, apporter ma connaissance de l'Amérique latine et mettre à profit mes contacts pour faire des ventes », explique-t-elle.

Après son stage, où elle en a appris beaucoup sur l'industrie de l'animation, elle a obtenu un contrat de trois mois, puis un emploi permanent comme gestionnaire de compte pour l'Amérique latine.

La CCMM réalisera une étude prochainement sur le cheminement des immigrants dans les entreprises.

« Plus on intègre d'immigrants dans les entreprises, plus on en verra gravir les échelons, indique M. Leblanc. Nous voulons faire un état des lieux et en mesurer l'impact. Bien sûr, nous croyons à un lien direct avec une meilleure capacité à exporter et à réaliser des activités à l'international. »

Immigrants et croissance économique

Pour le président et chef de la direction de la CCMM, une meilleure intégration des immigrants au marché du travail est essentielle à la croissance économique du Québec.

« L'accès aux talents est un enjeu majeur pour les entreprises, explique-t-il. C'est ce qui leur permet de croître. Or, le Québec vit un resserrement démographique. On fait moins de bébés, on attire moins d'immigrants que le reste du Canada et certains immigrants repartent. Il ne faut gaspiller le talent de personne ! »

La CCMM milite pour une meilleure sélection des immigrants en fonction des besoins du marché du travail, pour un meilleur accompagnement des nouveaux arrivants afin d'augmenter leur taux de placement, puis pour une hausse du nombre de nouveaux arrivants.

« Pour maintenir notre poids démographique dans le Canada, continuer à attirer des investissements et à nous développer économiquement, il faudrait arriver à 60 000 ou 65 000 immigrants reçus chaque année, alors qu'on est à 50 000 ou 55 000 », dit M. Leblanc.

La CCMM s'intéresse aussi aux régions, même si près de 90 % des immigrants s'installent à Montréal et dans ses environs.

« Il faut développer des passerelles, et nous sommes en discussion avec le gouvernement sur le sujet, indique M. Leblanc. C'est difficile aussi pour les immigrants de passer des entrevues en région considérant les frais de déplacement. Il faudrait un programme pour soutenir financièrement des candidats sérieux pour des postes. »

Depuis 2010, Interconnexion compte plus de 7000 inscriptions aux activités de jumelage.