Vérification des antécédents judiciaires, du CV, des titres, des diplômes et parfois même du dossier de crédit. Les entreprises canadiennes, soucieuses de leur réputation, mais encore loin derrière les américaines, sont de plus en plus nombreuses à mener ces enquêtes de préembauche.

Ceridian, société spécialisée dans la gestion du capital humain, offre notamment des services de paie à près de 100 000 clients dans 50 pays. La procédure d'embauche de ses 1580 employés au Canada, dont 163 au Québec, est stricte: des enquêtes sur le dossier criminel, de crédit, sur les informations professionnelles et d'études sont menées.

«Lorsqu'un candidat nous intéresse, on lui présente une offre d'emploi conditionnelle aux vérifications pour lesquelles il doit nous donner son autorisation», indiquent Anne-Marie Ostiguy, directrice des ressources humaines, et Barbara Osman, spécialiste en acquisition de talent. Cette habitude est ancrée depuis de nombreuses années. «Notre personnel a accès à des informations confidentielles et personnelles, à la paie de nombreux travailleurs. On a besoin de gens sur qui on peut compter», explique Anne-Marie Ostiguy.

Chez Pomerleau, la pratique n'est systématique que depuis trois ans. L'entreprise spécialisée dans la construction vérifie désormais pour tout nouvel employé et même les stagiaires le dossier criminel, le titre de certains professionnels comme les ingénieurs, par exemple, et prend l'avis des références professionnelles demandées.

«C'est de la prévention. Notre principale préoccupation, c'est de préserver notre réputation. Elle est excellente, donc on ne veut pas la perdre par manque de rigueur», indique Thierry Lefaivre, coordonnateur régional ressources humaines pour Montréal et Ottawa. En revanche, l'entreprise se refuse à mener des enquêtes sur le dossier de crédit de ses futurs employés. «Ça rentre beaucoup dans la vie privée, ce que nous ne voulons pas», ajoute Thierry Lefaivre.

Tendance à la hausse depuis le 11-Septembre

La vérification du dossier de crédit est souvent réservée à certains postes plus délicats (gestionnaires, personnes en contact avec de l'argent). Pour le reste, ces enquêtes deviennent une pratique de plus en plus courante. D'après un sondage sur son marché cible, Solutions de vérification Garda estime qu'«environ 50 à 60% des entreprises au Canada procèdent à des enquêtes préalablement à l'embauche», indique Frédéric Latreille, président de la firme spécialisée dans la réalisation de telles enquêtes, qui compte entre 5000 et 6000 clients au Canada, dont près de la moitié au Québec.

Plusieurs sociétés ont investi le marché et proposent leurs services aux départements de ressources humaines. La Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ), un organisme parapublic qui permet notamment de savoir si quelqu'un fait l'objet d'une poursuite ou a été condamné dans le passé (jusque 1975) sur les plans pénal et civil, voit aussi «une progression des entreprises qui veulent vérifier des informations sur des candidats avant l'embauche», constate Luc Boulanger-Milot, coordonnateur marketing.

La tendance, très forte aux États-Unis, n'est toutefois encore qu'émergente au Canada. «Ces vérifications préemploi ont pris une part plus importante dans les années 80, mais c'est depuis le 11 septembre 2001 et la frénésie de sécurité qui s'ensuivit que l'industrie liée à ces pratiques connaît une forte croissance», observe Frédéric Latreille.

Bien que certains secteurs d'activité, comme la finance ou les mines (notamment dans les métaux précieux), soient plus accoutumés à ces pratiques, des enquêtes préembauche sont désormais menées dans tous les secteurs, tant par de petites que par de grandes entreprises.

«Les motivations sont diverses. C'est souvent pour protéger leur réputation, assurer un environnement de travail plus sécuritaire, mais aussi pour réduire les coûts en minimisant le taux de mauvaises embauches, qui sont très coûteuses», poursuit Frédéric Latreille. Parfois, les entreprises procèdent à des enquêtes de préemploi à la demande de leurs clients ou de leurs fournisseurs.

«Éviter le vol»

La tendance ne devrait que progresser. «Je considère que cela fait partie des meilleures pratiques. C'est ça, administrer: prendre les bonnes décisions avec toute l'information qu'il est possible de réunir», lance Jonathan Primeau, président de Cellart, une entreprise de conception et d'installation de caves à vin sur mesure.

La jeune société, qui compte neuf employés, s'adresse à une clientèle nantie et ses employés sont amenés à se rendre à domicile. Alors, pour tous, sont vérifiés les antécédents criminels et le dossier de crédit. «Je vérifie la situation de crédit, car je veux éviter les vols. D'autre part, je ne veux pas apprendre un événement sur mes employés par un client. C'est également un processus qui m'est souvent imposé par mes partenaires et fournisseurs qui m'accréditent pour vendre leurs produits», explique Jonathan Primeau.

Dans le cas où les enquêtes révéleraient un problème, la décision à prendre est délicate. «Cela arrive rarement, mais si c'est le cas, il faut être prudent, car légalement, on ne peut pas refuser une personne pour un problème non lié directement à l'emploi auquel elle postule», précise Thierry Lefaivre.

Ce sont généralement des analyses au cas par cas «menées par plusieurs personnes et non une seule», souligne Ceridian, qui mènent à la décision. Les cas de fraude sont généralement rédhibitoires.

Les candidats semblent d'ores et déjà habitués à la pratique de vérification, les entreprises enregistrant peu de protestations et de refus de signer le consentement les autorisant à procéder à ces enquêtes. Il faut dire que le contraire vaudrait à coup sûr un arrêt du processus d'embauche.