La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. La chef de la direction de la Financière Sun Life Québec et vice-présidente principale, Isabelle Hudon, répond aujourd'hui aux questions de la coprésidente et cofondatrice du Groupe Germain, Christiane Germain.

Q: Quels sont les plus grands défis que vous avez affrontés lorsque vous avez fait le saut en finances?

R: Les défis ont été nombreux! Le plus grand a été de nourrir ma crédibilité. Le 9 août 2010, quand on a annoncé ma nomination, je voyais le doute dans les yeux des employés. La crédibilité se gagne par les connaissances et le savoir, alors je me suis formée avec des experts et des professeurs.

Je me suis aussi branchée sur le monde. J'ai rencontré les 2000 employés du Québec, en groupes de 8 ou 10. Je faisais deux réunions par jour. Ça m'a pris six mois. Les réunions avaient deux objectifs: expliquer pourquoi j'avais accepté le poste et mieux les connaître. Je ne voulais pas que personne baisse les yeux en me croisant ni qu'il y ait un malaise. Pour plusieurs, c'était la première fois qu'ils rencontraient un dirigeant. Certains pensaient même que je les convoquais pour les renvoyer! Au final, ç'a été la meilleure décision. Je le conseille à tous les nouveaux patrons.

Q: Sun Life a eu des moments difficiles par le passé au Québec, notamment dans les années 70. Comment avez-vous réussi à redorer l'image de l'entreprise en si peu de temps?

R: J'ai eu le mandat de remettre la rentabilité à l'ordre du jour au Québec. J'ai abordé la problématique de front dès la première journée.

Je crois que les Québécois sont prêts à ce qu'une entreprise redore son blason, pourvu que ce soit fait de manière authentique et honnête.

Q: En ce qui concerne le progrès des femmes, est-ce que les acquis d'une génération se transmettent aux générations suivantes, selon vous?

R: Je reconnais bien Christiane Germain dans cette question! Je me suis demandé pourquoi je milite pour la cause des femmes en la lisant. Je n'ai jamais été opprimée, mais je constate le manque de présence féminine et ses conséquences. Économiquement, c'est plus rentable pour une entreprise de compter des femmes dans ses rangs. Le discours est plus diversifié.

Je crois que si tu es confronté à l'inégalité et que tu en as entendu parler depuis que tu es jeune, par ta mère, par exemple, tu vas réagir. Tu ne resteras pas indifférent. Personnellement, j'en parle à mon fils aux deux jours!

Q: Vous contribuez à la restructuration culturelle de Montréal en vous impliquant dans plusieurs organismes. De quoi rêvez-vous pour Montréal dans les 10 prochaines années?

R: Je rêve depuis 10 ans (et je vais continuer) de voir Montréal prendre l'axe de la culture pour se démarquer. Je suis convaincue que notre culture peut attirer les talents, les investissements et les touristes. Je trouve notamment dommage que nos panneaux de signalisation ne portent pas la signature du Cirque du Soleil et que nos taxis ne se distinguent pas, comme c'est le cas à New York.

Q: Quelle est votre destination de voyage préférée?

R: Mon dernier voyage était en Toscane, et il m'a marquée. Je n'y étais jamais allée, mais j'ai adoré. Une fille de la ville comme moi a trouvé ça calme les 24 premières heures, mais après, j'ai réussi à prendre le rythme. Ça m'a pris du temps à retourner à mon quotidien au retour. C'est la première fois que ça me fait ça. Je pense bien que j'y retournerai.

Le parcours d'Isabelle Hudon en bref

> Âge: 47 ans

> Études: Isabelle Hudon possède un DEC en sciences humaines. Elle suit également une formation en gouvernance au Collège des administrateurs de sociétés, affilié à l'Université Laval.

> Chef de la direction depuis: octobre 2014. Elle était présidente depuis août 2010.

> Nombre d'employés: 1800 employés et plus de 800 conseillers au Québec

> Avant d'être à la Financière Sun Life: elle a notamment été présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et présidente de Marketel.

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À lire la semaine prochaine: le président de Léger Marketing, Jean-Marc Léger, répond aux cinq questions posées par Isabelle Hudon.