Les organisations tolèrent de moins en moins les conflits de groupe qui, on le sait, finissent par pourrir le climat de travail. Pour plusieurs, la solution se trouve dans la médiation.

Des privilèges accordés sans raison, des tâches mal définies, des idéologies qui s'opposent, des frictions personnelles, des différends culturels, des employés qui en terrorisent d'autres... Les sources de conflit en milieu de travail ne manquent pas. Si la chamaille naît la plupart du temps entre deux individus, elle finit souvent par contaminer le reste de l'équipe. Certains employés prennent parti, d'autres sont coincés entre l'arbre et l'écorce.

À moins que le gestionnaire n'intervienne rapidement pour désamorcer la situation, le conflit peut perdurer pendant des semaines, des mois, voire des années. «Dans les cas extrêmes, ça peut se transmettre d'une génération à l'autre: prenez par exemple les employés de deux départements qui, par tradition, ne s'adressent pas la parole parce que les uns sont comme ceci et les autres sont comme cela», remarque Jean Poitras, professeur à HEC Montréal et psychologue spécialisé en gestion des conflits.

Les chicanes au boulot ne sont pas une nouveauté. Après tout, «il y en a toujours eu et il y en aura toujours», signale Louise Charette, directrice de Multi Aspects Groupe Inc. qui, entre autres, accompagne des équipes vivant des conflits.

Cela dit, les organisations les tolèrent de moins en moins. Les conséquences sont trop coûteuses, surtout dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. «Si les employés qui vivent un conflit doivent collaborer au quotidien, leur productivité en souffrira, note Jean Poitras. Les études démontrent que les conflits diminuent la satisfaction au travail et l'engagement des employés envers l'organisation. Résultat? Les meilleurs démissionnent. La réputation de l'employeur en pâtit. Il devient alors plus difficile de recruter. On remarque aussi une augmentation de l'absentéisme et des cas de burn-out. En fin de compte, des plaintes pour harcèlement psychologique surgissent. Généralement, c'est là que les gens se rendent compte qu'il y a un problème.»

Bien souvent, le patron a sa part de responsabilité, mais il ne faut pas lui jeter la pierre pour autant. «Plusieurs gestionnaires ne se sentent pas à l'aise d'intervenir dans les conflits parce qu'ils n'ont pas été formés pour ça, souligne Louise Charette. Je les comprends. Ce n'est pas évident de jongler avec la colère, la tristesse et la frustration de ses employés.»

Quand le mal est fait

Pour venir à bout des conflits sans fin, les organisations et les gestionnaires ont de plus en plus recours aux services de médiation. «Il ne se passe pas une semaine sans que mon bureau ne reçoive une demande en ce sens», observe Me Thierry Bériault, président de l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec. L'organisme à but non lucratif tenait en mai dernier un important colloque sur les conflits de groupe.

Selon Me Bériault, différentes raisons expliquent cet intérêt. «Auparavant, on faisait appel à des psychologues industriels ou à des grandes firmes pour aider l'employeur à résoudre le conflit, dit-il. On s'éloigne aujourd'hui de ce modèle pour offrir du soutien à l'organisation entière, c'est-à-dire non seulement aux patrons, mais aussi aux employés. Autrement dit, nous sommes en mode collaboration, une mouvance dans laquelle s'inscrit bien la médiation. Tout cela suscite davantage la motivation des employés, de même que leur responsabilisation et leur adhésion aux solutions.»

À l'image des couples en instance de séparation, les groupes de travail gagnent à traiter avec un médiateur. «C'est une personne qui, par son impartialité, devient en quelque sorte un «pont de confiance», illustre Louise Charette. Elle servira de relais pour reconstruire la confiance au sein des équipes en conflit. N'oublions pas que les employés sont meurtris par ces épreuves. J'ai déjà vu des travailleurs qui ne pouvaient plus se parler ni même se regarder.» Les disputes qui durent depuis plusieurs années exigeront de 6 à 18 mois d'intervention, précise l'experte.

Prévenir au lieu de guérir

À part quelques individus querelleurs, personne n'aime la chicane. C'est pourquoi il vaut toujours mieux miser sur la prévention, un rôle qui échoit au gestionnaire.

«Un patron qui prend le temps de rencontrer régulièrement ses employés et qui prône clairement une politique de la porte ouverte n'aura pas de mal à prévenir les conflits, estime Jean Poitras. Les employés se sentiront assez à l'aise pour se confier à lui, ce qui lui permettra de désamorcer les mésententes avant qu'elles ne prennent trop d'ampleur.»