Décrocher un boulot représente un défi pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Elles se heurtent à leurs propres limites, mais aussi à de nombreux préjugés. À l'occasion de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle, La Presse a rencontré une jeune employée bien intégrée dans son milieu de travail.

Depuis quatre ans, Marie-Ève Lachance met la main à la pâte dans la cuisine de Juliette et Chocolat. Pour la femme de 30 ans, ce boulot représente un passeport pour l'autonomie. C'est aussi une grande source de fierté. Lamia Hamici, sa gérante, lui a créé un poste sur mesure pour l'inclure dans l'équipe malgré sa déficience intellectuelle légère. Elle ne l'a jamais regretté.

«Le Centre action main-d'oeuvre m'avait parlé des possibilités de travail là-bas, raconte Mme Lachance. J'ai envoyé mon curriculum vitae sans mentionner ma déficience. Trois mois plus tard, j'ai passé une entrevue.» Puis elle a décroché un emploi! Sa patronne s'attendait à recevoir des candidatures de personnes ayant une déficience intellectuelle. Elle était déjà en lien avec l'organisme. «Nous sommes très ouverts d'esprit, note Mme Hamici. Dès que quelqu'un est motivé et disponible, nous sommes prêts à lui donner sa chance.» Actuellement, une dizaine de travailleurs sont intégrés dans les différents établissements de l'entreprise.

Les avantages pour l'employeur

Marie-Ève Lachance prépare la pâte à crêpes et différents aliments pour la confection des repas. Cette tâche routinière lui plaît. Malgré ses quatre années d'expérience, elle est moins productive que ses collègues. «C'est mon défi, confie-t-elle. Dès le début, je me suis donné des objectifs. J'étais vraiment motivée, je voulais réussir.» Pour combler le manque à gagner, son employeur reçoit une subvention. «C'est une mesure d'accommodement, explique Amélie Clément, coordonnatrice des services déficience intellectuelle et autisme chez Action main-d'oeuvre. Nous évaluons la performance de la personne en milieu de travail. Ensuite, nous établissons pour un taux représentatif de sa productivité.» Au fur et à mesure que l'employé s'améliore, la subvention diminue.

Le principal avantage pour les entreprises est la fidélité de ces employés différents. Ils affectionnent souvent les tâches simples et routinières, des postes ayant un fort taux de roulement. Plusieurs travaillent dans la restauration et l'entretien ménager. D'autres décrochent des postes de journaliers ou de commis de plancher dans les grands magasins. «Elles sont réellement contentes de faire ce type de travail alors elles sont assidues et responsables», note Amélie Clément.

D'autres formes d'intégration

Cependant, certaines personnes préfèrent travailler dans des entreprises adaptées. «Leurs collègues ont alors les mêmes préoccupations qu'elles», souligne Susie Navert, conseillère à la promotion et à la défense des droits à l'Institut québécois de la déficience intellectuelle et à l'Association du Québec pour l'intégration sociale.

D'autres participent à des stages non rémunérés. «Pour quelques mois, ça peut être très bien, croit Susie Navert. Mais lorsqu'un stagiaire place les aliments sur les tablettes du supermarché depuis 5, 10 ou 15 ans, on a de la misère avec ça. Nous sommes à la recherche de solutions.» Mais c'est complexe. Certaines personnes et leur famille sont parfois réticentes à abandonner ce modèle. Elles ont peur que les exigences de l'employeur augmentent trop si elles deviennent salariées. Elles craignent également de perdre le filet de sécurité que constitue l'aide sociale.

Marie-Ève Lachance comprend ces appréhensions, elle les a ressenties aussi. Mais aujourd'hui, elle semble prête à surmonter tous les obstacles dans sa quête d'autonomie. Actuellement, elle participe à différentes campagnes de financement pour construire des logements destinés aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Elle espère quitter le nid familial pour y emménager d'ici la fin de l'année!

LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE AU QUÉBEC

> 66 000 Québécois avaient une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement en 2010-2011

> 37 % avaient une déficience légère

> 31 % avaient une déficience modérée

> 32 % avaient une déficience grave

Source : Institut de la statistique du Québec