Les chefs de direction devraient-ils succomber à l'appel des réseaux sociaux? Oui, selon 76% des 630 dirigeants d'entreprise de 10 pays sondés par l'agence de relations publiques Weber Shandwick. Au Canada, 94% d'entre eux voient cette pratique d'un bon oeil!

Le président de Dessins Drummond, Yves Carignan, fait partie des gestionnaires 2.0 enthousiastes. Facebook, Twitter, LinkedIn, blogue, il alimente lui-même différentes plateformes depuis cinq ans. Le patron de cette PME de 75 employés souhaitait faire connaître son entreprise, mais aussi partager ses opinions. «Sur mon blogue, je peux parler de ce que je vis comme chef d'entreprise, de ma vision, de gestion, de mise en marché, etc. J'ai commencé à écrire et j'y ai pris goût. J'adore discuter avec les gens.»

Mais avant de se lancer, les gestionnaires devraient bien analyser la situation. «On ne doit pas y être juste parce qu'il le faut», signale Francine Charest, directrice de l'Observatoire des médias sociaux en relations publiques. Selon elle, l'observation préalable de la "conversation" autour de l'entreprise et de son domaine d'activité est primordiale. Ensuite, il faut déterminer à qui l'on souhaite s'adresser, et dans quel but. Une fois ces étapes franchies, on peut choisir les outils appropriés et créer des contenus pour chacun d'entre eux.

«La grande erreur, c'est de croire que l'on peut tout faire sur toutes les plateformes, tranche Didier Dubois, stratège en solutions de ressources humaines numériques chez HRM Groupe. Chacune a sa fonction. Pour communiquer avec un public très large, Twitter est très efficace. Sur LinkedIn, on s'attend davantage à développer des relations de personne à personne et un réseau professionnel.»

Des outils à double tranchant

Une présence en ligne permet de donner une image différente d'un chef d'entreprise, souvent perçu comme froid, distant et sans émotion, croit Yves Carignan. Il invite d'ailleurs les internautes et ses employés à commenter ses écrits, même s'ils sont en désaccord avec son propos. L'entrepreneur de 43 ans répond également publiquement à des clients insatisfaits (avec leur permission).

Les dirigeants sondés par Weber Shandwick, quant à eux, estiment que les chefs de la direction actifs sur les réseaux sociaux sont perçus comme de meilleurs leaders par les employés. Ils considèrent aussi que cela permet de mieux partager les nouvelles concernant l'entreprise, en améliore la réputation et en démontre le caractère novateur.

Un avis que partagent Didier Dubois et Francine Charest... à condition que ce soit fait correctement. Les chefs d'entreprise doivent être de bons communicateurs, sinon leur présence pourrait se retourner contre eux. D'ailleurs, 46% des dirigeants canadiens jugent risquée la participation sur les réseaux sociaux, selon le sondage.

Vie privée

Par ailleurs, l'étalage de détails de sa vie privée sur les réseaux sociaux est loin de faire l'unanimité. Francine Charest croit que les gestionnaires devraient s'abstenir d'en parler ou, minimalement, dissocier totalement et clairement l'entreprise de leurs propos.

Yves Carignan, lui, n'hésite pas à écrire sur le cancer de sa mère et à participer au débat sur les droits de scolarité. «Une personne m'a déjà dit qu'elle ne consommerait jamais de nos produits à cause de mes opinions. Cela m'avait affecté, avoue-t-il. Je lui ai répondu que c'était son droit, mais que c'était triste qu'elle se prive pour cette raison.» Il note cependant que les réactions sont généralement positives.

Didier Dubois estime pour sa part qu'une approche «plus sociale» convient mieux à certains univers, comme celui des vedettes. Il croit qu'un gestionnaire devrait plutôt parler de sa vision de l'organisation et faire des annonces sur les nouveaux produits et investissements. "À moins d'avoir un rôle de "gourou" comme le défunt Steve Jobs», nuance-t-il.