Des défis, les entrepreneurs et les gestionnaires en rencontrent tous les jours. La Presse vous propose une série d'articles présentant des difficultés et des solutions inspirantes adoptées par des gens sur le terrain. Cette semaine: comment implanter le télétravail?

Pour plusieurs, se rendre au bureau est synonyme de perte de temps et d'énergie dans la circulation. Pour d'autres, maintenir sa pleine concentration plus de 20 minutes consécutives relève de l'exploit avec la proximité des collègues. D'autant plus que de pouvoir travailler dans la tranquillité du chalet serait particulièrement charmant... Pour faire preuve de flexibilité, des employeurs permettent le télétravail. Différentes formules sont possibles, mais avant de se lancer, il vaut mieux réfléchir à sa stratégie.

Est-ce pour nos types de poste?

«Ce ne sont pas tous les emplois qui se prêtent bien au télétravail», indique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure au département économie et gestion à la TELUQ, dont plusieurs recherches ont porté sur le télétravail.

Il faut pouvoir cibler des tâches pour lesquelles la personne est plutôt autonome pour permettre le télétravail. Sinon, il faut prévoir un moyen de communication efficace.

«Il faut aussi considérer que certaines personnes ont de la difficulté à communiquer lorsque ce n'est pas fait face à face, précise Mme Tremblay. Par exemple, elles vont déformer le ton d'un courriel en lui prêtant d'autres intentions, alors que la personne a simplement répondu à une question factuelle.»

Notre style de gestion le permet-il?

Chez Cisco Canada, une entreprise spécialisée en télécommunications, environ 30% des employés font du télétravail quelques jours par semaine, évalue Jean-Claude Ouellet, vice-président pour le Québec et l'est du Canada. Chacun se voit attribuer des mandats à réaliser dans une période de temps déterminée. Il importe peu de savoir le nombre d'heures consacrées au travail et l'endroit où ce travail a été réalisé.

«Les chiffres parlent d'eux-mêmes», affirme M. Ouellet.

«Le style de gestion du milieu de travail facilitera ou pas l'adoption du télétravail, remarque Diane-Gabrielle Tremblay. D'ailleurs, les superviseurs sont souvent les plus craintifs face au télétravail. Donc, il faut parfois investir en formation pour les aider à s'adapter à ce changement.»

La confiance est-elle au rendez-vous?

«Pour implanter le télétravail, les gestionnaires doivent avoir confiance en leurs employés, sinon ils auront tendance à essayer de vérifier s'ils sont au travail, précise Mme Tremblay. Les télétravailleurs doivent aussi avoir confiance en leurs gestionnaires, sinon ils seront tentés d'envoyer fréquemment des courriels inutiles pour montrer qu'ils travaillent.»

La professeure titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l'économie du savoir affirme que l'on conseille souvent aux patrons de demander aux employés de s'évaluer sur leur capacité à fonctionner en télétravail.

Faut-il fournir de l'équipement?

Chez Cisco, les employés ont un poste téléphonique à la maison avec caméra intégrée comme au bureau, avec le même numéro. Ainsi, l'interlocuteur n'a aucune idée d'où se trouve l'employé.

«Souvent, les gens utilisent leur propre équipement à la maison, souligne Mme Tremblay. Ou encore, l'employeur fournit un portable. Toutefois, question de confidentialité des données, on exige parfois que l'employé bloque l'accès de son ordinateur aux autres membres de sa famille.»

Quelle formule adopter?

Les formules de télétravail peuvent être aussi variables qu'il y a d'organisations.

«Plusieurs travailleurs ont besoin de voir des gens quelques jours par semaine, et certains gestionnaires tiennent à avoir régulièrement les employés au bureau pour entretenir un bon esprit d'équipe», souligne Diane-Gabrielle Tremblay.

Chez Cisco, certains talents dénichés en région sont toujours en télétravail, alors que d'autres employés travaillent de la maison seulement pour éviter de perdre du temps dans la circulation.

«Par exemple, ils commencent leur journée à la maison, puis une fois l'heure de pointe terminée, ils viennent au bureau», explique M. Ouellet.

Peut-on aller aussi loin que permettre de travailler au chalet?

«Certainement! s'exclame Diane-Gabrielle Tremblay, et je compte bien le faire cet été. Il faut seulement s'assurer que les moyens de communication nécessaires y sont disponibles. »

Pour trouver la bonne formule, un projet pilote peut être tenté.

«Il ne faut pas attendre d'être pris dans une situation d'urgence pour faire ce genre d'essai, affirme Mme Tremblay. Toutefois, soyez convaincu à 98% d'aller de l'avant avec le télétravail avant de lancer un projet pilote parce que si vous reculez par la suite, vous risquez de faire bien des mécontents, et ce n'est pas très bon pour la performance de l'entreprise.»

Le télétravail est un privilège apprécié des travailleurs: 73% des Canadiens sondés pour Workopolis en 2011 ont affirmé qu'ils changeraient d'emploi si un nouvel employeur potentiel leur offrait la possibilité de travailler de la maison.