Que fait un boutefeu? À quoi ressemble le quotidien d'un animalier ou d'un détective privé? Pour le savoir, La Presse les a rencontrés pour vous. Regard sur des métiers inusités, rares ou méconnus.

Même s'il est un témoin silencieux, le sténographe officiel est un acteur essentiel du système judiciaire. Nancy Roy, 32 ans, exerce ce métier depuis cinq ans. Elle nous dévoile les grandes lignes de ce travail qui demande tout un doigté.

À l'origine, le sténographe officiel était présent lors d'un procès et transcrivait chaque mot prononcé pour en faire le procès-verbal. Les nouvelles technologies ont toutefois bouleversé le métier et élargi son champ d'action. Aujourd'hui, il recueille principalement les dépositions des témoins et se porte garant de la fidélité de ses notes. Il peut notamment être appelé lors d'un interrogatoire hors cour, d'un arbitrage ou même d'une commission d'enquête. On en compte 160 au Québec.

Nancy Roy est tombée un jour sur un article qui expliquait le b-a ba du métier. On y disait que la profession permettait d'apprendre plein de choses et qu'un français impeccable était essentiel. Il n'en fallait pas plus pour convaincre la jeune femme de s'inscrire à l'École de sténographie judiciaire du Québec.

«J'ai étudié de 2005 à 2007, souligne-t-elle. J'ai ensuite passé l'examen du Comité sur la sténographie, obligatoire pour exercer.» Pour réussir l'examen, qui ne dure que cinq minutes, elle a dû transcrire simultanément des paroles à un impressionnant débit de 200 mots par minute.

Un nouveau langage

La rapidité de frappe ne suffit pas pour exceller dans le métier. Pour arriver à écrire à la même vitesse que la parole, Nancy Roy utilise une sténotype assistée par ordinateur, qui est bien loin du clavier habituel. «La sténotype compte 22 touches - 18 consonnes et 4 voyelles -, et je tape au son. C'est un langage complètement différent», explique-t-elle.

La sténographe appuie simultanément sur quelques touches pour composer un mot ou un son. Le logiciel de transcription transforme le tout en français écrit. «Il faut beaucoup de dextérité et une excellente mémoire pour se souvenir des codes», précise-t-elle. Un enregistreur et un micro complètent son attirail.

Travail autonome

Nancy Roy est travailleuse autonome et se déplace au gré des contrats. «Ce sont surtout les avocats qui font appel à moi. Je me présente à la cour ou à leur bureau pour l'interrogatoire, puis je retourne à la maison.»

Son domicile est d'ailleurs son principal lieu de travail: 80% du boulot y est effectué. «Je relis mes notes et je les corrige. Je vérifie le tout en réécoutant l'entretien, puis j'imprime et signe le document pour l'envoyer à l'avocat», explique-t-elle. Pas de descriptions ni d'émotions ne se retrouvent dans le verbatim. «Il n'y a pas d'ironie non plus, ça ne transpire pas à l'écrit!» ajoute Nancy Roy.

Le métier de sténographe en est un solitaire. «J'ai un devoir de neutralité, je ne fraternise pas avec les avocats ou les témoins. Je travaille seule.»

Par contre, la curiosité de Nancy Roy est satisfaite, puisqu'elle en apprend plus sur divers domaines, comme la médecine ou la construction. Elle brise aussi l'isolement en enseignant chaque semaine à son alma mater.

Excellentes perspectives

On pourrait croire que les technologies feront disparaître les sténographes. Nancy Roy n'y croit pas.

«La reconnaissance vocale n'est pas à notre niveau. Même si quelqu'un tousse ou qu'on déplace une chaise, il n'y a aucun mot inaudible dans notre transcription. Notre rôle est crucial.» Après tout, les paroles s'envolent, mais les écrits restent.