Que fait un boutefeu ? À quoi ressemble le quotidien d'un animalier ou d'un détective privé ? Pour le savoir, La Presse les a rencontrés pour vous. Regard sur des métiers inusités, rares ou méconnus.

Apprendre à siffler est donné à tous ou presque. En faire son métier est toutefois une autre paire de manches. C'est néanmoins ce que fait le siffleur professionnel Tanguay Desgagné depuis plus de 15 ans.

Ingénieur et tromboniste de formation ne cherchez pas le lien, il n'y en a pas , Tanguay Desgagné sait siffler depuis l'âge de 3 ans. Mais ce n'est que plus tard qu'il a compris qu'il pouvait en faire son travail.

«Tout le monde peut siffloter, mais les siffleurs sont rares, estime le siffleur de 52 ans. On n'exploite pas le plein potentiel de cet instrument. C'est un peu comme jouer du piano, mais toujours s'en tenir à Frère Jacques.»

Normal quand on pense qu'il n'y pas de cours de sifflement et que le métier est méconnu.

Champion siffleur

En 1988, Tanguay Desgagné découvre le concours de l'IWC ( I nternat iona l Whist lers Convention) à Louisburg, en Caroline du Nord, où les participants interprètent chaque année des pièces musicales complètes devant jury.

«Ça a été une révélation pour moi », se souvient-il. Dès sa première présence au concours, en 1992, il remporte la deuxième place. L'année suivante, il devient champion siffleur, un titre qu'il décrochera quatre fois en sept participations.

«Les médias ont commencé à s'intéresser à moi, expliquet- il. J'ai fait des entrevues à la télé, et on me demandait souvent de faire une performance. C'est ce qui m'a amené à devenir membre de l'Union des artistes, pour toucher un cachet lors de mes apparitions.»

Un travail polyvalent

Aujourd'hui, on fait appel principalement à lui pour des publicités, des thèmes d'émissions de télé ou le doublage de comédiens. Il est également comédien-siffleur à l'occasion. On a notamment pu l'entendre dans le thème de l'émission Cher Olivier ou dans le film L'odyssée d'Alice Tremblay.

Il fait aussi de miniconcerts pour des fondations ou des collectes de fonds, une activité qu'il apprécie particulièrement. « J'aime le contact avec le public et faire découvrir l'étendue du sifflement », dit-il.

À quoi ressemble un tournage pour le siffleur? S'il double un comédien qui devrait siffler mais en est incapable, comme pour la télésérie Les Boys où il doublait une «belle siffleuse », son travail se fait en deux temps. La première journée est consacrée à la sélection des pièces. Le lendemain, il est en studio devant la comédienne qui fait semblant de siffler, pour que le tout soit synchronisé.

«C'est tout un travail. Ça a pris des heures pour deux pièces de 30 et 45 secondes!», précise-t-il. Pour garder la main, Tanguay Desgagné répète tous les jours. Exercices ciblés et exercices d'articulation de la langue sont au menu. Pour augmenter son endurance et avoir du souffle longtemps, il fait aussi des exercices cardio.

Peu de demandes

Malheureusement, Tanguay Desgagné ne peut pas vivre pour l'instant de son métier de siffleur. Il est donc également ingénieur conseiller en recherche scientifique et développemenT expérimental, même s'il aime bien mieux siffler.

«J'aimerais devenir LE comédien-siffleur, celui à qui l'on pense spontanément», avoue Tanguay Desgagné. Il souhaiterait qu'un compositeur lui demande de réaliser un nouveau thème de série télé qui exploiterait toute la richesse du sifflement. En attendant, il se remémore avec bonheur son passage à Beau et chaud ou son improvisation avec le chef d'orchestre d'En direct de l'univers. Et il siffle en travaillant.