Que fait un boutefeu? À quoi ressemble le quotidien d'un animalier ou d'un détective privé? Pour le savoir, La Presse les a rencontrés pour vous. Regard sur des métiers inusités, rares ou méconnus.

Se raser, cuisiner ou lire le journal: certaines activités banales deviennent très difficiles en cas de la perte de la vision. Permettre aux personnes âgées de garder une vie active et leur autonomie le plus longtemps possible, c'est le défi quotidien de Martine Normand, spécialiste en réadaptation en déficience visuelle (SRDV).

À deux pas du métro Longueuil, l'Institut Nazareth-Louis-Braille veille depuis 150 ans sur les personnes souffrant de déficience visuelle. Martine Normand y travaille depuis sept ans.

«Après mes études en psychoéducation, j'ai travaillé dans plusieurs milieux, notamment auprès d'autistes et d'enfants avec des troubles de comportement. C'est nouveau pour moi de travailler avec les aînés, mais c'est très valorisant. Contrairement à d'autres clientèles, ils sont contents de me voir et ouverts aux suggestions», affirme-t-elle.

Le premier contact

Ce matin, Martine Normand va rencontrer une nouvelle cliente à son domicile. Elle pose sa valise contenant ses dossiers, son ordinateur et une panoplie d'objets, dont des cartes professionnelles adaptées aux besoins de sa clientèle - en braille, en grands caractères, etc. -, dans le coffre déjà plein de sa voiture. Et en route pour le quartier voisin.

«Je vois toujours les patients chez eux la première fois. Ça me permet d'évaluer leur environnement, de voir s'ils sont bien entourés et de résoudre quelques problèmes sur-le-champ», explique-t-elle. L'usagère, qui souffre de dégénérescence maculaire (imaginez un point gris au centre de votre vision), lui fait faire le tour du propriétaire d'un pas lent mais décidé.

Martine Normand écoute la patiente confier ses petits maux, ses deuils, ses défis, mais aussi les exploits de ses enfants et la présence rassurante de ses amies. Elle en profite pour comprendre à quoi ressemble son quotidien. Elle pose des questions comme «Sortez-vous beaucoup?» ou «Est-ce que vos enfants vous aident?» et note scrupuleusement les réponses dans le dossier. Ces détails serviront à déterminer l'aide à apporter.

Nouveaux repères

Après la discussion de deux heures, elle réalise déjà quelques ajustements. Elle ajoute par exemple un collant orange sur le four à l'endroit du 350°, pour guider la dame à trouver la bonne température. Elle inscrit aussi en gros caractères les commandes de la radio et elle lui suggère d'enlever ses tapis, pour éviter de tomber.

«Je m'adapte vraiment aux besoins de chacun. Je ne vais pas proposer un ordinateur à quelqu'un qui n'a jamais touché à l'informatique», illustre la SRDV. Les amateurs de lecture pourraient recevoir par exemple un abonnement à la bibliothèque pour emprunter des livres audio et les plus actifs, une canne blanche pour leur permettre de monter et descendre des marches.

«Même si ça semble mineur, les usagers voient une grande différence. On leur permet de vivre normalement», explique-t-elle.

Un travail de coeur

De retour au bureau, Martine Normand salue son équipe (composée presque exclusivement de femmes, dont quelques-unes ont une déficience visuelle) et remplit son rapport.

«La paperasse, c'est ce que j'aime le moins. Mais c'est essentiel pour tenir les autres spécialistes au courant des dossiers.»

Elle siège en plus dans certains comités, «ce qui crée encore plus de papiers à remplir!», mais aussi «de beaux défis».

Tout comme lorsqu'elle était psychoéducatrice, Martine Normand aime aider les autres. «Je vois notre impact sur la vie des gens. Certains retardent même leur déménagement en résidence grâce à nos services. C'est une belle récompense.»

On serait fier à moins.