La technologie est de plus en plus présente au boulot, comme à la maison. Les trois quarts des employés canadiens ont accès à l'internet au bureau, selon un sondage de Randstad dévoilé ce printemps. De plus, 13% d'entre eux possèdent un téléphone intelligent avec courriel fourni par l'employeur tandis que 47% ont leur propre appareil. Ces technologies facilitent la vie des gens, mais aussi la surveillance des travailleurs.

Et le respect de la vie privée dans tout ça? Les règles l'entourant ne sont pas toujours claires, selon Christian Brunelle, professeur à la faculté de droit de l'Université Laval. «La protection de la vie privée serait à parfaire au Québec, croit-il. On a des lois qui la protègent, mais concrètement, on n'est pas très exigeant envers les employeurs.» Ainsi, il est difficile de faire exclure une preuve électronique recueillie par l'employeur sous prétexte qu'elle viole le droit à la vie privée.

Les employés devraient donc prendre garde à l'utilisation qu'ils font de l'internet. Une étude réalisée à l'automne 2011 dans quatre pays d'Europe a montré que les travailleurs passaient en moyenne 96 minutes par jour à surfer sur le Web, dont 57 à titre personnel! Ce cyberflânage peut coûter cher aux entreprises en perte de productivité. Celles-ci s'inquiètent aussi de la diminution de l'efficacité de leur réseau informatique, en raison du téléchargement de fichiers volumineux, et de la sécurité. Les dommages possibles à l'image de l'organisation, entre autres sur les réseaux sociaux, sont aussi une autre source de préoccupation.

Pas étonnant, donc, que plusieurs patrons surveillent leurs employés, d'autant que c'est relativement simple de le faire. Selon le système en place, on peut avoir accès aux courriels et à l'ensemble des sites internet visités par un employé. Effacer l'historique de son navigateur ne suffit pas à effacer ses traces! Dans certains cas, l'information peut être retracée même si le travailleur a utilisé son propre téléphone intelligent. Et la personne qui fait du télétravail n'est pas nécessairement à l'abri des regards indiscrets si elle se sert de l'appareil du bureau ou se branche à distance au système informatique de l'entreprise.

Mais attention, être techniquement capable de lire tous les courriels d'un employé ne signifie pas qu'on a le droit de le faire. «La jurisprudence établit que lorsque l'employeur porte atteinte ou cherche à porter atteinte à la vie privée du salarié, il doit avoir des motifs raisonnables et utiliser des moyens raisonnables. On ne peut pas surveiller quelqu'un sans arrêt pendant un mois pour trouver un minime écart de conduite», indique Me Brunelle. D'ailleurs, une certaine tolérance est généralement observée. Un employé ne pourrait vraisemblablement pas être sanctionné pour avoir envoyé un courriel rappelant à son conjoint d'acheter du lait, par exemple.

Mettre les choses au clair

Pour favoriser une bonne utilisation des outils technologiques, les entreprises devraient bien informer leurs employés de ce qui est toléré ou non. «Ce peut être par l'adoption d'une politique, par une mention dans le manuel de l'employé ou dans l'information donnée à l'embauche. Il faut aussi faire des rappels à l'occasion», note Stéphanie Aubin, première vice-présidente à l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Selon un sondage effectué par l'Ordre en 2010, 63% des entreprises avaient une politique qui encadrait l'utilisation de l'internet au travail.

Mme Aubin estime également que les employeurs doivent s'ajuster. «On ne peut pas faire semblant que ça n'existe pas. Parfois, on a tendance à trop contrôler et ce n'est pas nécessairement la bonne solution. Les habitudes des gens évoluent et les organisations doivent s'adapter comme elles l'ont fait à l'apparition du téléphone.»