Depuis quelques années, la notion de bien-être au travail a pris du galon dans l'esprit des gestionnaires. Pour atteindre cet idéal, de nouveaux outils sont en train de s'ajouter à la panoplie déjà existante: les arts et la culture.
«Avec l'augmentation des problèmes de santé mentale reliés au travail, l'épuisement professionnel et le stress, on cherche de nouvelles avenues pour rendre le milieu de travail plus vivable», dit Isabelle Mahy, professeure et chercheuse associée au Centre de recherche sur les innovations sociales de l'UQAM.
On a déjà beaucoup parlé de santé au travail. Les entreprises ont compris le message. Plusieurs d'entre elles favorisent l'activité physique de leurs employés, l'installation d'équipements sportifs sur place, les campagnes anti-tabac ou les programmes collectifs de saine alimentation. Mais l'impact positif potentiel des arts et de la culture sur la santé mentale, le bien-être et la capacité d'innovation et de créativité des employés a jusqu'à maintenant été peu exploré.
«La perception générale est que ce n'est pas essentiel à la vie organisationnelle, mais cette façon de voir est en train de changer», ajoute Mme Mahy.
La médiation culturelle en milieu de travail est un domaine en émergence. Culture pour tous, un organisme dont la mission est de démocratiser la culture au Québec (notamment en organisant les Journées de la Culture) a lancé depuis quelques années le programme Culture en entreprise.
Inviter les arts au bureau comporte de nombreux avantages, croit Eva Quintas, directrice de projets à Culture pour tous.
«On croit que l'art fait du bien et peut contribuer à réenchanter le milieu de travail, dit-elle. En collaboration avec des organismes culturels et des artistes, nous sommes en train de constituer une banque d'activités qui permettent d'embellir les lieux de travail, de faciliter les échanges et le dialogue. Cela favorise aussi la cohésion d'équipe, l'engagement des employés et leur sentiment d'appartenance. Les interventions des artistes sur place permettent aux gens de sortir de leur cadre habituel. Ils développent un nouveau regard sur leur environnement et leurs collègues.»
Les possibilités sont nombreuses. Murales collectives, ateliers de photographie, théâtre d'intervention, spectacle musical sur mesure, rencontres littéraires avec des auteurs, tout est possible.
L'automne dernier, 80 employés d'Environnement Canada ont pris quelques minutes de leur temps pour travailler avec l'artiste Caroline Simard. Ensemble, ils ont réalisé une oeuvre composée de trois tableaux afin de célébrer le 40e anniversaire du Ministère.
«Le talent et l'habileté de tous ont été mis à profit pour contribuer à la production de cette oeuvre baptisée «Matière à convergence». Faite de collage, moulage, sablage, découpage et peinture, elle est maintenant exposée dans la salle d'accueil des visiteurs. C'était une belle occasion de solliciter la participation et l'engagement des employés», explique le porte-parole d'Environnement Canada, Henry Lau.
Créativité et innovation
Les experts répètent que l'innovation est indispensable aux organisations pour avancer. Et qui dit innovation dit créativité.
«On constate ces années-ci la préoccupation pour les entreprises d'être capables de se renouveler et d'inventer, dit Isabelle Mahy. Il n'est donc pas étonnant que le thème de la créativité soit en train de devenir assez central. Et les gens porteurs de créativité, dans notre société, ce sont les artistes, dont c'est le métier de créer. Les entreprises commencent donc timidement leur ouvrir leurs portes.»
Toutefois, le fait qu'un artiste passe quelques jours dans l'organisation ne transforme pas nécessairement les pratiques en profondeur, précise la chercheuse.
«La recherche actuelle tente de définir les formules les plus favorables pour que les artistes et l'art aident à faire évoluer les processus de travail de façon plus continue», dit-elle.
Le pays le plus avancé à cet égard est la Suède. Une étude mesurant les impacts quantitatifs des interventions artistiques a été menée auprès d'une centaine d'entreprises suédoises pendant quatre ans, de 2005 à 2008. Leur analyse a montré que les programmes d'interventions artistiques ont amélioré la productivité et réduit les absences pour cause de maladie. Les programmes ont stimulé la créativité et l'innovation au travail de 17%. Ils ont amélioré le climat de travail de 25% et réduit les niveaux de conflit de 12%.