Après la délocalisation, verra-t-on le rapatriement des centres de service à la clientèle?

Au milieu des années 90, plusieurs provinces canadiennes avaient attiré des centres d'appels d'entreprises américaines, misant sur les salaires raisonnables, le taux de change alors favorable et les compétences linguistiques. En 2007, trois centres d'appels canadiens sur dix desservaient des clients américains.

En 2008, la crise économique et un dollar canadien requinqué ont renversé la tendance. En même temps, plusieurs grandes entreprises ont délocalisé en Asie leurs centres d'appels.

«Plusieurs sont quand même demeurées au Canada, parce qu'elles ont réalisé que nous offrions une main-d'oeuvre éduquée, un taux de roulement beaucoup moins élevé qu'aux États-Unis et de bons gestionnaires, observe Ann Frost, professeure à l'Université Western Ontario et coauteure d'une étude sur les centres d'appels. Même s'ils devaient payer plus cher en salaires, ça demeurerait une bonne affaire.»

Retour du balancier

On assiste même à un retour du balancier et des emplois.

«Les affaires sont en train de revenir au Canada parce que les entreprises en télécommunication et en finances perdent beaucoup de clients», explique Stéphane Élie, entrepreneur qui a travaillé pendant plusieurs années pour des centres d'appels américains établis à Montréal, dont certains avaient délocalisé leurs services en Asie et au Maghreb. «On payait nos employés en Inde pendant un mois à regarder la télévision américaine pour qu'ils comprennent la mentalité nord-américaine», évoque-t-il.

Les clients de ces entreprises ont cependant été rebutés par la distance culturelle et géographique qui les séparait de leurs interlocuteurs. «Des entreprises en télécom pouvaient payer des employés trois dollars de l'heure et faire des économies incroyables, ajoute-t-il, mais d'un autre côté, elles devaient dépenser des millions de dollars en marketing pour récupérer les clients qu'elles avaient perdus.»

Constatant le rapatriement de ces services, il en a profité pour ouvrir à Longueuil son propre centre d'appel, en juin 2010, avec sept employés. Symbiose Communication compte maintenant cinq clients et 120 employés.

Le Québec était encore récemment un joueur malingre sur la scène canadienne des centres d'appels, avec 7% des centres et 5% des emplois (2006). La région de Montréal offre cependant des avantages importants. «Les entreprises sont attirées par Montréal en raison de la qualité de sa main-d'oeuvre bilingue, et non en raison d'incitations gouvernementales», indique Ann Frost.

En fait, la délocalisation des centres d'appels pourrait même s'inverser en direction de Montréal, si on en croit Stéphane Élie: «J'aimerais développer les marchés internationaux, prendre des services étrangers et les amener ici avec notre expertise à nous.»