Les nouveaux préposés aux bénéficiaires et les infirmières auxiliaires sont accueillis à bras ouverts par les établissements de santé... mais ceux-ci peinent à les retenir.

Selon les chiffres de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, une nouvelle infirmière auxiliaire sur trois quitte son poste après un an. Chez les préposés aux bénéficiaires, c'est un travailleur sur quatre.

Devant cet état de fait, les établissements de formation et de santé de Montréal font tout ce qu'ils peuvent pour maintenir en emploi ces personnes.

Ces statistiques ne précisent pas si ces nouveaux venus sont embauchés ailleurs dans le milieu de la santé ou s'ils se réorientent.

N'empêche, la situation est assez alarmante pour que les acteurs concernés s'inquiètent du problème.

«Nous sommes tous responsables de ce phénomène. Voilà pourquoi nous collaborons avec plusieurs hôpitaux et centres de santé et de services sociaux depuis deux ans», indique Lucille Doiron, directrice de l'École des métiers des Faubourgs-de-Montréal (ÉMFM).

Éducation Montréal, une table de concertation réunissant les collèges et les commissions scolaires montréalaises, a même développé un «pôle santé», notamment pour résoudre le problème. Ce groupe de travail réfléchit depuis deux ans aux enjeux liant la formation professionnelle et technique aux établissements de santé.

Le CHUM s'efforce d'améliorer le taux de rétention de ses employés. Mais il y a encore du pain sur la planche.

Des préposés déçus

«Les futurs préposés aux bénéficiaires manquent de renseignements à propos de leur profession et sont donc déçus quand ils arrivent sur le marché du travail», estime Johanne Lussier, adjointe au directeur des ressources humaines du CHUM.

Une fois embauchés, les diplômés réalisent qu'il n'y a pas de possibilités d'avancement. «Pour devenir infirmière auxiliaire, il faut retourner aux études, signale Mme Lussier. Nous avons donc mis en place un système pour favoriser leur retour aux études tout en conservant leur emploi.»

Entre 2008 et 2010, le taux de rétention de leurs préposés aux bénéficiaires est passé de 71 à 79%.

Horaires irréguliers, impossibilité d'obtenir un travail à temps plein, quarts de nuit... Autant de raisons qui poussent les préposés et les infirmières auxiliaires à voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

Les attentes très élevées stressent plus d'une infirmière auxiliaire. «Pendant leur formation, on les habitue à voir trois patients, mais à l'hôpital, elles doivent en gérer 10! Elles n'ont pas le temps de devenir apprenties et notre programme ne nous permet pas de les amener jusque-là», observe Karine Lemelin, directrice adjointe à l'École des métiers des Faubourgs-de-Montréal.

Depuis 2007, l'école des Faubourgs a mis sur pied des partenariats avec cinq établissements de santé. «Chacun sélectionne nos meilleurs élèves pour en faire leurs stagiaires et après, leurs employés», explique Mme Lemelin.

Cette initiative est pertinente, constate la nouvelle diplômée Cynthia Éthier Deslauriers, qui en a bénéficié. «Les infirmières auxiliaires n'ayant pas eu cette chance éprouvent plus de difficultés d'adaptation que nous.»

Malgré quelques succès, Karine Lemelin précise que ce concept n'est pas une panacée. «Les résultats demeurent mitigés et il faudrait penser à d'autres avenues afin d'améliorer ces partenariats.»

Solutions envisagées

Bref, tout le cheminement est à réviser, du recrutement à l'intégration sur le marché du travail.

«Est-ce que j'accepte vraiment les meilleurs candidats?», demande Lucille Doiron, qui revoit présentement son processus de sélection.

«On devrait interviewer les étudiants pendant leur parcours, quitte à les réorienter si on ne les sent pas prêts», suggère pour sa part le président d'Éducation Montréal, Yves Sylvain.

L'entrée sur le marché du travail est assurément facilitée par des journées d'intégration, comme le fait le CHUM. Cynthia Éthier Deslauriers en a profité. «Le personnel est très prévenant. On répondait à mes questions avant même que je les pose.»

Une partie de la solution réside dans des initiatives comme celle unissant le CHUM à l'ÉMFM, juge M. Sylvain. Il souhaite pousser le concept plus loin. «Ce n'est qu'une hypothèse, mais nous étudions la possibilité de faire la formation théorique et pratique directement dans les établissements de santé. Les étudiants seraient plus motivés et on les intégrerait plus vite dans le milieu.»

La réflexion se poursuivra cet automne. Éducation Montréal compte alors dévoiler un rapport qui analysera en profondeur la plupart des programmes professionnels et techniques en santé.