Les problèmes liés à la santé psychologique au travail ne cessent d'augmenter. Pour mieux outiller les employeurs par rapport à ce problème, la Chaire en gestion de la sécurité et santé au travail de l'Université Laval lance aujourd'hui le site Nouveaux Repères.

Jean-Pierre Brun est professeur au département de management et membre de la Chaire en gestion de la sécurité et santé au travail à l'Université Laval. Il est également conseiller-expert à son compte en bien-être et efficacité organisationnelle et intervient autant au Canada qu'en Europe. Depuis une vingtaine d'années, il est un observateur privilégié des problèmes liés à la santé psychologique au travail. Une situation qui, malheureusement, ne semble pas en voie de se résorber, au contraire.

«Il y a 15 ans, 30% des absences étaient liés à des troubles de santé psychologique au travail. En 2009, on estime que c'était entre 50 et 60%. Et moi je connais des organisations où ils en sont à 80% d'absentéisme causé par des gens en burnout ou en dépression», expose M. Brun.

Autres chiffres troublants: au Canada et aux États-Unis, les psychotropes (antidépresseurs) sont le deuxième médicament le plus prescrit. Seulement au Québec, on estime que 25% de la population active souffre de détresse psychologique.

Cette augmentation pour le moins fulgurante a contribué à démythifier cette réalité auprès des employeurs. Alors que M. Brun rencontrait il y a encore récemment beaucoup de scepticisme lorsqu'il était question de problèmes de santé psychologiques liés au travail, il a progressivement vu un changement des mentalités.

«Pendant longtemps, on allait dans les entreprises pour faire de la sensibilisation, convaincre les gens. Mais, de plus en plus, ce qu'on nous demande, même s'il y a encore des préjugés, c'est de donner aux organisations des outils pour mieux intervenir.»

Donner des repères

C'est donc dans une optique de prévention et d'action qu'a été pensé le site Nouveaux Repères (nouveauxreperes.cgsst.com), une réalisation de la Chaire en gestion de la santé et sécurité, en collaboration avec Novas Productions et en partenariat avec plusieurs organisations, dont les Caisses Desjardins, Revenu Québec et la Ville de Montréal, qui utilisent déjà cet outil à l'interne depuis six mois.

«C'est un outil gratuit et accessible, qui a été pensé pour les grandes, mais aussi pour les petites entreprises qui n'ont pas toujours les ressources financières ni l'expertise pour tenter de régler les problèmes. C'est près de 96% du tissu industriel du Québec qui est composé d'entreprises de moins de 20 employés», rappelle M. Brun.

Le site est un outil d'apprentissage et de gestion de conflits qui s'adresse principalement aux gestionnaires, peu importe leur niveau dans l'organisation, qu'ils soient chef d'équipe, superviseur immédiat, contremaître, VP, etc. «Nouveaux Repères peut aussi servir aux nouveaux gestionnaires, car on estime que près de 30% des gestionnaires vont partir à la retraite d'ici 5 ans», ajoute l'expert.

Le site comprend des capsules vidéo, dont diverses mises en situation interactives où on apprend, par exemple, comment réagir devant un employé agressif. On y retrouve aussi des conseils d'experts par rapport à diverses thématiques, comme la reconnaissance, la conciliation travail-famille et la gestion de la charge de travail, par exemple.

Si les problèmes de stress au travail, de dépression et d'épuisement professionnel sont énormes, les solutions pour améliorer les choses ne sont pas nécessairement très compliquées. «Ce sont des solutions qui relèvent de l'a b c du management, qui sont simples à mettre en oeuvre. Mais ça demande un minimum d'effort, une vigilance et une volonté. Ce n'est pas tout de savoir quoi faire, il faut passer à l'action!»

Car le statu quo est désormais «inadmissible», conclut M. Brun. «Il faut agir, on n'a pas le choix. Les entreprises doivent se préoccuper de leur empreinte humaine, au même titre qu'on parle d'empreinte écologique.»