Alors que le dernier budget provincial prend des mesures pour convaincre les Québécois de repousser l'âge de leur retraite, les travailleurs semblent considérer sérieusement l'idée de travailler plus longtemps.

Lors du dépôt de son budget en mars dernier, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a dévoilé des mesures à la fois incitatives et coercitives pour convaincre les Québécois de travailler plus longtemps.

Ainsi, dès le 1er janvier 2013, la majoration mensuelle de 0,5% accordée sur les rentes demandées après l'âge de 65 ans passera à 0,7%. De l'autre côté, ceux qui désirent prendre leur retraite avant cet âge honorable verront la réduction mensuelle des prestations du Régime des rentes du Québec passer graduellement de 0,5% à 0,6% sur une période de 3 ans, et ce, dès janvier 2014.

Désirant tâter le pouls des travailleurs à la suite de cette annonce, l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés a commandé un sondage CROP, qui a été réalisé auprès de 501 répondants. Et les résultats sont surprenants: 33% affirment que les nouvelles dispositions les incitent à prolonger leur présence sur le marché du travail. Alors que 45% songeaient à quitter leur emploi avant 65 ans, ils ne sont plus que 6% à le faire, et près de 26% (contre 9% avant) pensent même à prendre leur retraite après 70 ans. Selon les résultats, l'âge moyen de la retraite passerait ainsi de 63 à 66,7 ans.

«Évidemment, ce sont des intentions, mais les chiffres nous ont tout de même étonnés, avoue Florent Francoeur, CRHA, président-directeur de l'OCRHA. Ce qui est clair, c'est que, de plus en plus, les travailleurs sont portés à considérer l'option de demeurer plus longtemps sur le marché du travail, ce qui est une très bonne nouvelle pour l'économie québécoise.»

Pour Roch Laflamme, professeur à l'Université Laval spécialisé dans le vieillissement de la main-d'oeuvre, les résultats sont très surprenants, d'autant plus que les pénalités prévues par le ministre ne sont pas «majeures». «Pour moi, c'est un choc. D'après les études que nous avons faites de notre côté, 40% des gens veulent prendre leur retraite avant 65 ans, 30% à 65 ans, 20% entre 65 et 70 ans et 10% après 70 ans. Ce serait un changement sociétal radical. Je n'ai jamais vu une telle variation en 35 ans de métier; il y a peut-être un peu de «wishful thinking» dans ces réponses», nuance-t-il.

Quoi qu'il en soit, ces chiffres reflètent tout de même une situation bien réelle: il est désormais révolu, le temps de la liberté 55, croit M. Laflamme. «Il y a quelques années, les employeurs mettaient tout le monde de 55 ans et plus à la porte, souvent pour réduire leur masse salariale. Mais en agissant ainsi, on a réduit les caisses de retraite des régimes. Et c'est sans compter la crise, où les taux d'intérêt des fonds ont dramatiquement chuté.»

Pour regarnir leurs caisses de retraite, et devant la réalité démographique, les employeurs n'ont plus le choix de mettre en place des mesures pour inciter les travailleurs à rester: «C'est une tendance mondiale. Les baby-boomers partent de façon massive, on n'a personne pour les remplacer à court terme et il faut donner le même service à la population. Aujourd'hui, on parle plutôt de liberté 62!» ajoute M. Laflamme.

Pour garder leurs têtes blanches, les entreprises devront s'adapter: «Les employeurs devront apprendre à valoriser cette main-d'oeuvre, notamment au moyen du mentorat, et à être plus souples, en offrant du temps partiel par exemple, s'ils veulent que les travailleurs plus âgés restent en poste plus longtemps», conclut M. Francoeur.