Beaucoup de jeunes rêvent de brûler les planches. Monter sur scène et jouer le rôle de leur vie. Ou encore, d'être celui, qui, derrière la scène, travaille à faire du spectacle une réussite.

Entre le rêve et la réalité, plusieurs obstacles se dressent. Comme le résume très bien Raymond Marius Boucher, président de l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.

Un adage que confirment les statistiques: 54% seulement des diplômés des disciplines liées aux arts de la scène travaillent dans leur domaine.

De ce nombre, les chiffres ne disent pas exactement combien, parmi eux, doivent avoir d'autres boulots en parallèle pour boucler leur budget, comme c'est le cas de certains jeunes artistes de la relève.

«Pour les 5 dernières années, 77% de nos membres tiraient 16 000$ par année ou moins de leurs activités artistiques, souligne Raymond Legault, président de l'Union des artistes. Ils font autre chose pour y arriver, comme de l'enseignement.»

Est-ce à dire qu'il faille renoncer à cette voie pour autant? C'est une question de choix personnel. Mais avant de se lancer dans l'aventure, il faut à tout le moins être conscient des défis inhérents au chemin que l'on choisit.

«Ils doivent tout de suite concevoir qu'ils seront femmes ou hommes orchestre, et qu'ils vont probablement devoir faire un peu de tout pour réussir, dit Louise Boucher, Directrice générale du Conseil québécois des ressources humaines en culture. La clé, c'est d'être polyvalent. Ils devront aussi apprendre à faire leur propre mise en marché, à créer leur visibilité, avoir plusieurs cordes à leur arc, à créer leur emploi. Ils devront trouver un équilibre entre leur survie financière et le développement de leurs projets artistiques.»

Aujourd'hui, il faut faire parler de soi pour percer, dit Simon Brault, directeur général de l'École nationale de théâtre. «Il faut utiliser les médias sociaux, faire partie de plusieurs réseaux et travailler sur plusieurs projets en même temps, dit-il. Il faut qu'on s'intéresse au travail des autres pour que nos pairs s'intéressent à ce que l'on fait.»

Cela dit, certains métiers qui touchent davantage aux aspects techniques d'un spectacle, comme régisseur ou directeur technique, sont très demandeés, selon Simon Brault. Cela s'explique par le nombre important de festivals et de spectacles de cirque qui se sont développés au cours des dernières années.

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Pour réussir dans les arts de la scène, il faut avoir une formation solide, faire preuve de passion, de détermination et être polyvalent. La Presse vous présente le cheminement et la réalité quotidienne de quatre jeunes en début de carrière qui relèvent ce défi, ainsi qu'un aperçu des formations offertes.

MAUDE LAPERRIÈRE, COMÉDIENNE-CHANTEUSE

Oser prendre sa place. C'est la philosophie de Maude Laperrière, 28 ans, la Ginette Ménard des Belles-Soeurs version musicale, un spectacle qui en est déjà à quelque 75 représentations.

Diplômée en 2005 en théâtre musical du cégep Lionel-Groulx, elle a commencé sa carrière dans la production des Misérables présentée à Québec durant les fêtes du 400e et reprise aux FrancoFolies l'an dernier. C'était son premier contrat d'importance, deux ans après avoir terminé ses études.

Après Les Misérables, elle s'est retrouvée de nouveau sans contrat. «Quand j'ai lu dans le journal qu'on préparait une version musicale des Belles-Soeurs, j'ai écrit à René Richard Cyr pour lui dire à quel point je rêvais de travailler avec lui. Il m'a invitée à une audition, nous étions 55 filles!» raconte-t-elle.

La vie de comédienne est remplie d'incertitudes. Même si son rôle au théâtre ne prend pas tout son temps, Maude est très occupée.

Pour joindre les deux bouts, elle travaille dans une boutique de vêtements. Après ses heures au magasin, elle se rend au théâtre pour les tests de son, le maquillage, les vocalises et la représentation. Au début d'une nouvelle production, il y a aussi la lecture de la pièce, l'apprentissage du rôle et les répétitions.

Elle participe de façon régulière à des ateliers de formation pour acquérir de nouvelles compétences, par exemple le jeu à la caméra, car elle souhaite faire de la télévision. Elle consacre beaucoup de temps à la progression de sa carrière et de ses projets musicaux personnels.

Avec son amie Élizabeth Duperré, elle aussi comédienne-chanteuse, elle a créé un band de filles, qui s'appelle Band de Poils, en référence à leurs chapeaux de fourrure. Leur formation humoristique reprend des vieilles chansons des années 80 et 90, en collaboration avec des musiciens de la scène émergente.

LOÏC LACROIX HOY, SCÉNOGRAPHE

Au secondaire, Loïc Lacroix Hoy faisait de l'improvisation avec ses amis. C'est ce qui l'a attiré vers le théâtre. Comme scénographe, il conçoit des décors pour des pièces de théâtre, des opéras, des spectacles de marionnettes et de cirque.

«J'aime beaucoup la variété, dit-il. C'est un métier qui me permet de participer à plein de projets dans ces univers très différents qui se complètent.»

Travailleur autonome, le jeune homme de 29 ans a travaillé sur bon nombre de projets, dont L'opéra de quat'sous, présenté au Théâtre du Nouveau Monde l'an dernier.

Pour concevoir les décors d'une pièce, il lit d'abord le texte avec les comédiens et le metteur en scène. En tenant compte des lignes directrices de ce dernier, il cherche des images d'inspiration à la bibliothèque, réalise des croquis inspirés par le texte, et imagine un lieu où sera située l'action. Au fur et à mesure que le projet évolue, il travaille en étroite collaboration avec les autres créateurs de la pièce, avec qui il échange des idées sur la façon de présenter l'oeuvre.

Étape par étape, il dessine des plans de construction du décor pour en arriver à une maquette finale sur laquelle figurent, à petite échelle, tous les détails des couleurs et des matériaux utilisés.

Il se rend ensuite dans des ateliers de fabrication de décors pour faire le suivi et indiquer ses choix aux artisans. Une fois le décor construit, il s'assure qu'il correspond bien à la maquette et peaufine les détails.

Loïc détient un baccalauréat en arts dramatique de l'UQAM, avec profil en scénographie, et un diplôme en scénographie de l'École nationale de théâtre.

ANNIE LALANDE, DIRECTRICE DE PRODUCTION

Trouver des solutions pour que les projets artistiques se réalisent, c'est la mission d'Annie Lalande, 29 ans, directrice de production au Théâtre d'Aujourd'hui. Elle est la femme-orchestre qui gère les aspects logistiques des productions.

Son objectif: s'assurer que tous les créateurs aient les bons outils pour réaliser leurs idées, en veillant à ce que tout soit prêt à temps, car une première de spectacle, ça ne se reporte pas!

Au quotidien, elle gère les échéanciers de production, assure le suivi des budgets, prépare les horaires, appelle les techniciens, déniche des fournisseurs, négocie des contrats, organise et anime les réunions de production. Le tout, en ne perdant jamais l'objectif artistique du projet.

L'emploi d'Annie au Théâtre d'Aujourd'hui, obtenu l'automne dernier, est son premier poste permanent à temps plein. Depuis sa sortie de l'École nationale de théâtre en 2009, elle a toujours travaillé à la pige, mais elle n'a pas chômé. Elle a réalisé plusieurs mandats, entre autres au Festival de jazz, au festival Montréal en lumière et avec différentes compagnies de théâtre.

«C'est un métier qu'on fait parce qu'on aime le théâtre, et je ne compte pas mes heures, dit-elle. Récemment, nous avons vécu cinq premières en un mois! C'est extrêmement stimulant et je vis sur l'adrénaline. De plus, c'est très enrichissant de travailler avec les artistes.»

La jeune femme a plusieurs diplômes: elle détient un DEC en cinéma, un DEP en charpenterie-menuiserie, un diplôme en production de l'École nationale de théâtre, et elle termine actuellement un diplôme d'études supérieures en gestion des organismes culturels à HEC Montréal.

GAÉTAN PARÉ,METTEUR EN SCÈNE

Il y a 100000 façons de raconter une histoire. Pour Gaétan Paré, metteur en scène de 32 ans, chaque pièce de théâtre est une nouvelle aventure.

«Faire du théâtre, c'est regarder le monde dans lequel on vit et essayer de s'approcher d'une vision de la réalité en se servant du langage artistique», dit-il.

Le rôle d'un metteur en scène est d'étudier le texte d'une pièce et de décider de l'interprétation artistique qu'il va lui donner. Il choisit des acteurs pour les différents rôles, et des collaborateurs responsables des différents effets scéniques comme le décor, les costumes, l'éclairage ou les sons. Il travaille ensuite avec toutes ces personnes pour que leur travail commun donne vie à sa compréhension de l'oeuvre.

Il dirige le jeu des acteurs et la mise en place des divers éléments de la pièce. «Par exemple, s'il y a un effet d'éclairage à créer, je suis celui qui dit à quel moment et comment le faire à l'éclairagiste, en fonction de ce que je veux montrer au spectateur», explique-t-il.

Gaétan a cofondé une compagnie de théâtre, le Théâtre de la Pacotille. Vouée au théâtre d'exploration et de création, elle présente des pièces n'ayant jamais été montées au Québec auparavant. Leur prochaine production, La genèse de la rage, dont il sera le scénographe, a été écrite et sera mise en scène par un autre membre fondateur de la compagnie, Sébastien Dodge. Elle sera présentée en mai au Théâtre d'Aujourd'hui.

Comme la mise en scène comporte une grande part d'instabilité, il donne aussi des ateliers de théâtre et travaille dans un bar pour arrondir ses fins de mois.

Gaétan a un baccalauréat en art visuel, profil création, de l'UQAM et un diplôme en mise en scène de l'École nationale de théâtre.

D'AUTRES MÉTIERS

Éclairagiste

Personne qui conçoit l'éclairage adéquat pour un spectacle. Elle doit étudier le scénario et déterminer, en collaboration avec l'équipe de production, les besoins en matière d'éclairage et d'atmosphère visuelle, concevoir et réaliser les plans d'éclairage en fonction des lieux et choisir le matériel nécessaire. Elle installe les équipements d'éclairage, les fait fonctionner, les règle en cours de production, les démonte après utilisation, veille à leur entretien et les répare au besoin.

Maquilleur-coiffeur

Personne qui maquille et coiffe les personnes qui se produisent sur scène ou devant les caméras (au théâtre, à la télévision, au cinéma, etc.). Elle se renseigne, par exemple, sur l'aspect physique du personnage que le comédien doit incarner, détermine le genre de maquillage à utiliser ou de coiffure à créer, en fonction des éclairages de la scène ou des studios de télévision, et réalise un maquillage et une coiffure appropriés.

Directeur technique

Personne qui est responsable des aspects techniques de la réalisation d'une représentation scénique (théâtrale, musicale ou autre) dont elle doit assurer la qualité visuelle et sonore. Elle étudie le scénario et assiste aux réunions de production afin d'établir les besoins en équipement audiovisuel. Elle choisit ensuite la machinerie et les procédés nécessaires à la mise en place du matériel de scène ou à la réalisation d'effets visuels ou sonores spéciaux, veille à obtenir le matériel et le personnel nécessaires et coordonne le travail des techniciens afin d'assurer la qualité et la sécurité des installations.

Source: monemploi.com

LES SALAIRES ANNUELS MOYENS

Acteur

17 420$ (avec une formation collégiale)

33 540$ (avec une formation universitaire)

Directeur technique (cinéma, radio, télé, théâtre)

38 012$ (avec une formation universitaire)

Directeur technique (production artistique)

27 612$ (1 formation technique offerte)

30 992$ à 33 540$ (3 formations universitaires offertes)

Metteur en scène

33 540$ à 37 232$ (2 formations universitaires offertes)

Source: Septembre éditeur

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DES PROGRAMMES POUR TOUS

Bon nombre de formations existent pour qui veut apprendre les arts de la scène, au collégial, à l'université ou à l'École nationale de théâtre. En voici un survol.

Études théâtrales Au niveau collégial

Plusieurs cégeps offrent des formations de deux ou trois ans en théâtre. Différents profils et cheminements sont offerts selon les établissements : interprétation, design, techniques d'éclairage, décors, costumes, etc.

Parmi eux, on trouve notamment: le collège Lionel-Groulx, le cégep de Saint-Hyacinthe, John Abbott College, Dawson College, le Centre d'études collégiales de Montmagny, le cégep Lévis-Lauzon, le cégep de Saint-Laurent et le Conservatoire Lassalle (collège privé).

DEC en gestion et techniques de scène (production)

> Diplômés en emploi à temps plein: 64,3%

> Salaire annuel moyen brut: 28 236$

> Travail en rapport avec la formation: 88,9%

Spécialisation en décors et costumes

> Diplômés en emploi à temps plein: 50%

> Salaire annuel moyen brut: 29 276$

> Travail en rapport avec la formation: 66,7%

DEC en interprétation théâtrale

> Diplômés en emploi à temps plein: 52,4%

> Salaire hebdomadaire moyen brut: 32 500$

> Travail en rapport avec la formation: 54,4%

Interprétation en théâtre musical (collège Lionel-Groulx)

> Diplômés en emploi à temps plein: 57%

> Salaire annuel moyen brut: 26 052$

> Travail en rapport avec la formation: 50%

Arts du cirque

> Programme cirque-études au secondaire (École nationale de cirque)

> DEC en arts du cirque (cégep Limoilou et École nationale de cirque)

Double DEC

Vous êtes indécis quant à votre choix de carrière? Qu'à cela ne tienne, ce DEC double permet de suivre deux programmes en parallèle.

> Arts plastiques et médiatiques et arts et lettres, profil littérature, théâtre et technologie (cégep de Lévis-Lauzon)

Études théâtrales Au niveau universitaire

Quatre universités québécoises offrent un choix de certificats, de baccalauréats et de diplômes en théâtre qui préparent les étudiants à des carrières en interprétation, en mise en scène ou en production. Il s'agit des universités Concordia, Bishop's, Laval et de l'UQAM.

Situation des personnes titulaires d'un baccalauréat en art dramatique en janvier 2009

> En emploi: 69%

> Encore aux études: 27,5%

> En emploi à temps plein: 67,3%

> Durée moyenne de la recherche d'emploi: 19 semaines

> Salaire annuel moyen brut: 33 540$

> Travail en rapport avec la formation: 54,3%

Sources: monemploi.com, enquêtes La Relance à l'université, La Relance au collégial, MELS

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À savoir

Les conservatoires d'art dramatique de Montréal et de Québec

Programmes favorisant un entraînement personnalisé fondé sur la tradition du compagnonnage. Pour les candidats qui ont réussi les épreuves d'admission

qui se tiennent une fois par année à Québec et à Montréal. Formation échelonnée sur deux cycles correspondant au premier et deuxième cycles universitaires.

École nationale de théâtre

Formations de deux à quatre ans, selon l'option choisie, en interprétation, écriture dramatique, mise en scène, scénographie et production. Menant à l'obtention d'une attestation d'études reconnue par le ministère de l'Éducation comme équivalente à un DEC en théâtre. Selon l'École, 90% de ses diplômés travaillent dans leur domaine. L'École reçoit environ 1000 demandes d'admission par année pour environ 45 places au total, dans tous les programmes.

Un site incontournable pour la relève

Le site Artère est un portail destiné à la relève artistique montréalaise qui rassemble de l'information utile sur les pistes de financement, les lieux de diffusion, les lois, la gestion, la promotion et la formation: www.artere.qc.ca.

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Les travailleurs de la scène en chiffres (au Canada)

70%

Vivant dans les grands centres urbains

53%

Femmes

47%

Hommes

45%

Travailleurs autonomes

25%

Titulaires d'un diplôme universitaire ou d'un titre professionnel

21%

55 ans ou plus

19%

Gagnant plus de 50 000$ par an

76%

Membres d'un syndicat, d'une guilde ou d'une association professionnelle

Source: Étude sur les RH 2010, tendances et enjeux de ressources humaines dans le secteur culturel, Conseil des ressources humaines du secteur culturel, Conference Board du Canada.