Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, les entreprises devront avoir recours à l'immigration pour pourvoir certains postes vacants. Mais est-ce que les mesures d'immigration s'arriment bien à leurs besoins ?

Selon les prévisions d'Emploi-Québec, il y aura près de 740 000 emplois à pourvoir au Québec d'ici à 2014, en raison des départs à la retraite et de la création de nouveaux postes. On estime que près de 15% de ces besoins en emploi seront comblés par une main-d'oeuvre nouvellement immigrante.

Tout un défi pour le Québec, alors que des entreprises continuent à perdre des travailleurs immigrants qui voient leur permis de travail temporaire arriver à échéance, affirme Philippe Rousseau, avocat chez Egan, société affiliée à Ernst&Young, qui travaille en matière d'immigration et de travail depuis une décennie. Selon l'avocat, le rôle du gouvernement en matière de recrutement et de rétention des immigrants est crucial: «Les gouvernements doivent prendre des initiatives en matière légale, pour mettre de l'huile dans la machine et améliorer les temps de traitement des demandes. C'est bien d'amener un travailleur étranger ici, mais il faut aussi savoir le garder!»

Car le Québec est loin d'être le seul à vouloir attirer les meilleurs talents, explique-t-il. «Dans une économie basée sur l'innovation, le Canada n'est pas seulement en concurrence avec l'Europe et l'Amérique du Nord, mais aussi avec les entreprises chinoises et indiennes. Comme l'économie est globale, la recherche de ces talents devient également globale. Dans ce contexte, tout atout ou léger avantage que la législation d'un pays peut offrir est déterminant.»

Car le risque est grand de voir ce bassin de travailleurs potentiels choisir des pays où la bureaucratie est moins lourde, avertit l'avocat. «Par exemple, il faut moins de six mois pour obtenir sa résidence permanente en Australie, alors que la durée est de 12 à 24 mois au Canada. Que pensez-vous qu'un ingénieur indien qui a le choix entre Montréal ou Sydney va choisir?»

Améliorer les processus

En visite chez Ernst&Young pour prendre le pouls du monde des affaires il y a quelques semaines, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC), Kathleen Weil, a assuré être au courant des divers problèmes auxquels font face les entreprises en matière d'immigration, nous relate Me Rousseau.

Le Québec a d'ailleurs lancé l'an dernier le Programme de l'expérience québécoise. Ce programme, qui vise à faciliter le passage de résident temporaire à celui de résident permanent, s'adresse aux travailleurs temporaires spécialisés en emploi au Québec et aux étudiants étrangers diplômés du Québec. Il permet, à certaines conditions, d'obtenir le Certificat de sélection du Québec (CSQ), équivalent du «visa» québécois, à l'intérieur d'un délai très rapide de 20 jours.

D'autres programmes pourraient aussi être mis en place, suggère Me Rousseau. Par exemple, créer un permis de travail uniquement pour les professionnels, qui pourrait être délivré dans un délai beaucoup plus court. Ou encore, conclure une entente avec le fédéral pour qu'une personne détenant son CSQ puisse obtenir un permis de travail pendant que sa demande de résidence permanente est en traitement au fédéral. Une mesure semblable existe en Alberta, affirme l'avocat.

Nouveau visage de l'immigration

Beaucoup de personnes ont encore cette image quelque peu surannée de l'immigrant qui arrive avec ses valises en laissant son pays derrière et en espérant des jours meilleurs. Mais la nouvelle réalité de l'immigration est tout autre, avance l'avocat.

«Beaucoup de travailleurs temporaires sont amenés par leur entreprise au Canada ou alors sont recrutés par des entreprises d'ici qui ont un besoin ponctuel pour un talent et qui ne le trouvent pas localement. Ces professionnels arrivent le plus souvent avec un patrimoine financier, des études et des qualifications.»

En effet, selon les chiffres du MICC, le Québec a accueilli 53 985 nouveaux immigrants en 2010. Parmi ceux-ci, 69,5% font partie de la catégorie de l'immigration économique, qui regroupe entre autres des travailleurs qualifiés (62,8%) et des gens d'affaires (4,6%).