Selon la raison qui pousse un retraité à vouloir retourner sur le marché du travail, le portrait peut être très différent, croit Sophie Labonne, planificatrice financière pour la Banque Scotia. «Retourner travailler quand on a la discrétion financière de le faire ou non, et à ses conditions, c'est génial ! Mais ce qui l'est moins, c'est d'avoir 65 ans et d'être obligé de se trouver de l'emploi parce qu'on n'a pas les moyens de vivre autrement.»

En effet, si 64 % des Québécois prévoient travailler après leur retraite, le tiers d'entre eux le feront pour des raisons financières, selon le sondage effectué par la Banque Scotia, qui en profite pour inciter les travailleurs à épargner le plus tôt possible pour leur retraite. «Il faut faire en sorte que si les gens veulent retourner travailler, ce sera par choix, et non par obligation», souhaite-t-elle, ajoutant que les rentes gouvernementales sont loin de suffire.

Retraités, mais pas vieux !

Toujours selon le sondage de la Banque Scotia, les travailleurs québécois sans problèmes financiers retourneraient au travail pour rester actifs mentalement (67 %) et socialement (51 %). «L'âge de la vieillesse, donc de la retraite, a été fixé au début du XXe siècle. Mais aujourd'hui, les gens vivent mieux et plus longtemps. Certains ne sont pas prêts à cesser d'être actifs, car retraite signifie retrait de la vie active, mais aussi des réseaux sociaux  !»remarque Aline Charles, professeure d'histoire à l'Université Laval.

Marie a travaillé 25 ans comme traductrice pour le réseau public et a pris sa retraite à 55 ans. Après huit ans, elle n'est pas retournée travailler par manque d'argent, mais sur un appel de son employeur qui l'a recrutée, ainsi que quelques-unes de ses anciennes collègues, afin de prêter main-forte le temps d'un contrat de six mois. «Ça me fait beaucoup de bien d'utiliser mon cerveau à nouveau !» avoue-t-elle.

Mais ce qui lui plaît le plus, c'est le plaisir de «jaser» avec ses collègues. «Même si on n'en est pas conscient, on s'isole quand même à la retraite, et ce sont ces contacts sociaux qui me font le plus de bien.»

De la place pour les retraités ?

Les retraités ont beau vouloir travailler, encore faut-il qu'on veuille d'eux, nuance Louis Plamondon, professeur retraité, juriste et sociologue en gérontologie : «Avec un taux de chômage de 8 %, il y a une grande réserve de main-d'oeuvre. Puis, le marché du travail change tellement vite, pourquoi un employeur voudrait-il engager des personnes âgées ? Pas étonnant que l'âge de la retraite n'ait cessé de diminuer pour atteindre une moyenne de 60 ans au pays.»

Les Québécois sont d'ailleurs parmi les plus jeunes à prendre leur retraite au Canada, selon une étude publiée ce mois-ci par l'Institut de la statistique du Québec. En effet, près de 45 % des nouveaux retraités de 2008 et 2009 au Québec ont moins de 60 ans, comparativement à 25 % dans l'Ouest et 33 % en Ontario.

Pour M. Plamondon, qui est aussi président du réseau internet francophone Vieillir en liberté, la vraie solution passe par une hausse des cotisations de 5 % (partagée entre l'employeur et l'employé) au Régime des rentes du Québec, une revendication soutenue par la FTQ. «L'amélioration du régime des rentes est la meilleure façon d'améliorer l'avenir des retraités pour tout le monde. Nous devons décider, en tant que société, si la retraite est encore un droit et le restera.»