Après plusieurs années d'attente, des responsables de service de garde en milieu familial pourraient signer d'ici le temps des Fêtes la toute première convention collective au Québec concernant des travailleurs autonomes. C'est du moins ce qu'espèrent la CSQ et la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ), qui ont déposé la semaine dernière leurs demandes salariales à la table de négociation pour les 128 000 responsables qu'elles représentent.

Les négociations entre le gouvernement et la Centrale syndicale du Québec, qui représente la FIPEQ et ses 12 800 responsables de service de garde en milieu familial (RSG) dans ce dossier, ont commencé en février dernier. De l'avis de la vice-présidente de la CSQ, Louise Chabot, et de la présidente du FIPEQ (Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec), Sylvie Tonnelier, il serait temps que les négociations, qui se déroulent à un rythme soutenu de deux ou trois rencontres par semaine, aboutissent.

«Ce qu'on déplore, c'est que les enjeux sont clairs et qu'on tarde à trouver des solutions concrètes à court terme. La table est maintenant mise pour que le gouvernement s'active dans ce dossier», déclare Mme Chabot, qui espère un règlement d'ici Noël.

Du côté du gouvernement, on est confiant d'en arriver à une entente avec les trois tables sectorielles (CSQ, CSN et FTQ, qui négocient indépendamment), confirme Étienne Gauthier, porte-parole pour le ministère de la Famille dans ce dossier. La province compte 15 000 responsables en milieu familial au total, dont 98% de femmes.

Vendredi dernier, la CSQ a déposé ses demandes salariales à la table des négociations. Elle demande l'augmentation de la contribution financière du gouvernement, qui passerait de 19$ à 32$ par enfant de 18 à 59 mois. Cette contribution s'ajoute aux 7$ par enfant que les RSG reçoivent directement des parents.

Une première dans le Code du travail

Si elle est acceptée par le gouvernement, cette augmentation entrerait en vigueur rétroactivement au 18 juin 2009, date de l'adoption de la Loi sur la représentation de certaines personnes responsables d'un service de garde en milieu familial, qui a reconnu le droit des RSG à se syndicaliser et à obtenir des régimes de protections sociales, tout en maintenant leur statut de travailleuses autonomes. Ce régime sera unique dans le Code du travail.

D'après les calculs de la CSQ, cette augmentation de la cotisation aurait pour effet de faire passer le salaire des RSG de 13,95$ à 15,83$ l'heure. Ce taux horaire est une estimation de la CSQ, établie grâce à une étude réalisée à l'interne et qui compare selon divers critères le travail des RSG et des éducatrices en CPE, tout en tenant compte des dépenses déductibles d'impôt, affirme Mme Chabot.

Au gouvernement, on préfère parler de compensation financière, puisque les RSG ne sont pas des salariées et que leur statut de travailleuse autonome leur donne droit à des dépenses déductibles d'impôt comme la nourriture et les achats de jouets éducatifs. «L'entente subventionnera une partie des assurances collectives et régimes de retraite dont vont se doter les RSG, tout en bonifiant l'offre financière. C'est très complexe à négocier, explique le porte-parole du gouvernement. C'est une première historique au Québec que des travailleuses autonomes s'allient collectivement.»

Si la comparaison entre les différents services de garde n'est pas évidente, notamment de par le fait que le gouvernement ne donne pas accès à tous les chiffres, selon Pierre Lefebvre, professeur au département des sciences économiques à l'UQAM qui s'intéresse à la question du financement des services de garde, il demeure que «les services de garde en milieu familial sont le mode le moins coûteux en termes de subvention».

«Mais il ne faut pas oublier que c'est organisé différemment, nuance-t-il. Ce qui est sûr, c'est que lorsqu'on regarde l'évolution générale du nombre de places selon les trois modes (CPE, privé, familial), c'est en milieu familial que la croissance a été la plus rapide. Le gouvernement l'a peut-être privilégié puisque c'était moins cher.»

Il y aurait 92 000 places en milieu familial comparativement à 80 000 dans les CPE au Québec. «Nos demandes sont très raisonnables, croit Mme Tonnelier. L'exercice a été fait en 1999 avec les CPE et, pour nous, c'est clair que c'est au tour des responsables en milieu familial d'accéder aux droits dont elles ont été privées depuis plus d'une décennie.»