«Je travaille dans le domaine des TI depuis le milieu des années 90. J'ai travaillé entre autres chez CGI et aux États-Unis. Depuis 10 ans, j'essaye de revenir dans ma région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais c'est impossible de me trouver un emploi qui a du bon sens», affirme Sébastien Auclair, fondateur de Régions TI.

Pourquoi? «Il n'y a pas d'expertise en région. Donc si on veut faire de grands projets, on ne peut pas garantir à nos clients que le travail sera à la hauteur des attentes. Et c'est un cercle vicieux, parce que sans grands projets intéressants, les spécialistes des TI qui travaillent à Montréal ne veulent pas venir en région.»

Pierre Ricard, président de la section Mauricie-Centre-du-Québec du Réseau Action TI, n'est pas tout à fait d'accord avec cette lecture de la situation.

«Il y a du travail intéressant en TI en région, mais c'est méconnu. Souvent, les postes ne sont pas affichés pour des questions de budget ou parce que les PME n'ont pas de département des ressources humaines. Il faut aller cogner aux portes», affirme celui qui est analyste programmeur chez Epsilia, une entreprise spécialisée en traçabilité dans les domaines de l'agroalimentaire et du transport.

Arriérées, les régions?

En allant cogner à quelques portes, Sébastien Auclair a toutefois déchanté. «En région, on trouve des entreprises qui travaillent avec des technologies qui ne sont plus à jour, qui font de petits projets pour des PME du coin. Pas moyen d'aller chercher des contrats intéressants à l'extérieur de la région.»

Arriérées donc, les régions? «Pas du tout, affirme M. Ricard. Avec la mondialisation, la concurrence vient de partout. Les entreprises doivent innover, se surpasser, aller toujours une coche au-dessus pour faire leur place», affirme celui qui est fier que son employeur soit devenu un leader en traçabilité au Québec avant de vendre sa technologie à l'international.

Il reconnaît toutefois que les régions du Québec souffrent peut-être d'un problème de diversité en matière d'emplois en TI.

«Souvent, lorsqu'on dit TI, les gens pensent aux jeux. En région, les jeux, ce n'est pas le créneau le plus fort! Par contre, il y a beaucoup de débouchés dans les secteurs industriel et manufacturier, ainsi qu'en ingénierie. Il faut utiliser les TI pour diminuer les coûts de production et optimiser les processus.»

Enfin, un autre facteur rend plus difficile la recherche d'emploi: le bassin d'entreprises est moins grand en région qu'à Montréal.

«Il faut donc travailler beaucoup plus fort pour se trouver un bon emploi dans une entreprise intéressante où on sera bien», précise M. Ricard.

Rapatrier l'expertise

C'en est trop pour Sébastien Auclair! Son idée pour remédier à la situation: ramener l'expertise en région.

«Je suis parti du principe que je n'étais probablement pas le seul qui voulait revenir en région. L'idée, c'est de réunir ces gens et de les amener à travailler ensemble, dans une compagnie qui aurait deux succursales: une à Montréal, pour être près des gros clients et des gros contrats, et une à Saguenay ou à Chicoutimi pour réunir les travailleurs de la région.»

En l'espace de deux mois, une centaine de personnes ont manifesté leur intérêt au projet qui a pris le nom de Régions TI et qui ouvre aussi ses portes aux gens des autres régions du Québec.

Quel serait l'intérêt pour les clients? «On appelle cela de la proxi-traitance? , indique M. Auclair. Au lieu de délocaliser en Chine, on délocalise en région pour aller chercher de meilleurs prix parce que le coût de la vie y est moins élevé.»

Pour que le projet puisse se concrétiser, Régions TI cherche actuellement un client important avec qui signer un contrat à long terme avant de louer ses locaux et d'enclencher la vague de déménagements de ses spécialistes des TI vers les régions.

Jouer les entremetteurs

De son côté, la section Mauricie-Centre-du-Québec du Réseau Action TI a trouvé sa propre réponse à la problématique: il joue les entremetteurs!

«En mars dernier, nous avons organisé un colloque pour permettre aux PME de la région de présenter leurs services et leurs produits souvent méconnus aux jeunes diplômés du secteur des TI», explique M. Ricard.

L'initiative semble avoir porté ses fruits. «Ça a tellement bien fonctionné que nous referons la même chose en mars prochain.»