Vérifier ses courriels. Répondre à un message texte. Répondre au téléphone. Se lever pour aller voir un collègue. Revenir à son bureau. Vérifier de nouveau ses courriels. Participer à une téléconférence. Vérifier encore ses courriels, et recommencer le même manège. La matinée est passée, et votre travail important est en retard!

Ce scénario vous est-il familier? Vous n'êtes pas seul. Le manque d'attention et de concentration au travail sont en train de devenir un fléau, à tel point que certaines entreprises instaurent des «jours sans courriels» pour permettre à leurs employés de se consacrer à des projets faisant appel à la réflexion et à la concentration, sans être interrompus. C'est le cas d'Intel, aux États-Unis, qui a mené un projet pilote baptisé Quiet Time.

Pendant sept mois, une fois par semaine pendant quatre heures, 300 ingénieurs et gestionnaires se sont isolés dans leur bureau avec un écriteau «ne pas déranger» sur leur porte, ont cessé de vérifier leurs courriels et dirigé tous leurs appels vers une boîte vocale. Les résultats ont été positifs. Selon Intel, cette période de calme a aidé les employés à améliorer leur efficacité.

«Des études de mouvement dans les bureaux ont démontré que si les gens ne maîtrisent pas ces constantes interruptions, la productivité baisse de 150%, dit René-Louis Comtois, formateur, conférencier et directeur de Formations Qualitemps. C'est dû au temps de mise en place. À chaque fois que l'on interrompt une tâche, il faut un certain temps pour s'y remettre, physiquement et mentalement. Les interruptions font que l'on change de tâche constamment, et multiplient ces moments de mise en place au point d'être deux fois et demie moins efficace.»

Penser que l'on sera beaucoup plus efficace en se rendant disponible et facile à joindre à tout moment est une illusion, selon lui.

«En ce qui concerne les courriels, il faut se créer une routine et les vérifier toutes les heures et demie, pas plus, dit-il. D'ailleurs, trop souvent, les gens ouvrent un courriel, le lisent partiellement et y retournent plus tard. Il a été démontré qu'un même courriel peut être lu jusqu'à six fois! La plupart des gens lisent les courriels dès qu'ils arrivent. C'est un peu comme s'ils surveillaient le facteur, qu'ils ouvraient leurs lettres et les remettaient dans la boîte aux lettres.»

Comment se défaire de cette manie? D'abord, il vaut mieux désactiver la fonction d'alerte, cette petite fenêtre qui surgit à l'écran chaque fois qu'un nouveau courriel est reçu. «Les alertes, c'est un peu comme si quelqu'un sonnait à notre porte 80 fois par jour, et qu'on se levait chaque fois pour lui répondre, pour qu'il nous remette une note. C'est plus efficace d'y aller seulement de temps à autre et de prendre toutes les notes à la fois.»

On peut même programmer les fonctions de son logiciel de courriels pour qu'il envoie une alerte seulement quand il s'agit d'expéditeurs importants, comme le patron! «Ce sont des outils utiles, mais il faut qu'on apprenne à les gérer, sinon ce sont eux qui nous gèrent. Tous ces bouleversements technologiques sont arrivés très vite, et il faut prendre conscience de notre façon de les utiliser. Le défi est de diminuer la fréquence et d'augmenter la qualité de nos utilisations», ajoute M. Comtois.

De plus, à son avis, un gestionnaire ne devrait pas s'attendre à ce que ses employés répondent immédiatement à tous leurs messages.

«Les patrons doivent être conscients que si l'on est toujours en train de répondre rapidement, pendant ce temps, on n'exécute pas nos tâches importantes.»

Il faudrait voir le courriel un peu comme on considérait autrefois le courrier de papier. «Il arrivait une fois dans la journée, on l'ouvrait, on réfléchissait et on prenait une décision sur ce qu'on en ferait, et sur le moment où on allait y répondre. Ensuite on le classait et le processus était réglé.»

Mais certains employés sont plus compulsifs que d'autres, ajoute-t-il. «Pour certains, c'est un outil très puissant de procrastination.»

Faire plusieurs choses à la fois n'est pas la meilleure façon de travailler. «Il y a eu une mode avec le multitâche, mais on s'aperçoit que ce n'est pas l'idéal. Le cerveau humain a ses limites», dit René-Louis Comtois.