Comment composer avec des contrats à respecter, des travailleurs exténués et une chaleur insupportable? Jusqu'où peut-on être exigeant envers un employé? À quel moment, au contraire, doit-on obliger les zélés qui n'écoutent pas leurs signaux corporels à s'arrêter?

Au Québec, on a dénombré une douzaine de morts survenus à la suite de coups de chaleur depuis 1988. Des morts qui auraient pu être évitées si les travailleurs, leurs collègues et leurs superviseurs avaient su comment les prévenir et comment détecter les signaux avant-coureurs.

«En 2005, il y avait eu plus de décès à cause des coups de chaleur, et nous avons constaté que, dans la plupart des cas, il s'agissait de très petits employeurs qui n'avaient aucune idée de ce qu'ils auraient dû faire», explique Pierre Dessureault, professeur en génie industriel à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Heureusement, des outils ont été créés pour leur permettre d'évaluer la situation de manière plus objective. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a publié en 2003 le Guide de prévention des coups de chaleur.

Par la suite, pour éviter aux gestionnaires d'effectuer des calculs savants à la main, Pierre Dessureault et Daniel Drolet, professionnel scientifique à l'Institut de recherche Robert Sauvé en santé et sécurité du travail, ont développé une application informatique: le Guide de prévention des coups de chaleur, version électronique. Il permet de calculer automatiquement la «température de l'air corrigée», un indice réel de la chaleur ressentie au travail.

«Quand les météorologistes parlent de l'humidex, il s'agit d'un indice tenant compte de l'humidité, dit Pierre Dessureault. Mais ce n'est pas assez complet pour faire de la prévention au travail. Normalement, on utilise une mesure qui s'appelle le WBGT (Wet Bulb Globe Temperature). Il tient compte de la température, de l'humidité, du rayonnement et du vent.»

Mais pour calculer le WBGT, il faut un appareil qui coûte 2000$! Les petits employeurs ne sont pas tous prêts à payer cette somme. C'est pourquoi le guide a été créé. «Il permet d'avoir une idée assez précise et de prendre des mesures d'atténuation à l'exposition à la chaleur», ajoute le professeur.

En téléchargeant l'application, qui est gratuite, on obtient un tableau dans lequel il faut entrer différents paramètres. D'abord, la température à l'ombre, l'humidité relative, et l'ensoleillement. On ajoute la charge de travail, qui est soit légère, moyenne ou lourde, et s'évalue en fonction des calories dépensées en une heure. On indique l'origine des données météo (prises sur l'internet ou avec des instruments sur place), ainsi que le fait de porter ou non une combinaison de travail pour les employés.

Le logiciel fournit un résultat en fonction des données saisies. Il donne à l'utilisateur un code de couleur. C'est vert? Tout va bien! C'est jaune: attention, il faut prendre certaines précautions! C'est rouge: danger! Pour chaque résultat obtenu, l'outil présente en détail toutes les mesures de sécurité à adopter.

«Cet outil doit être utilisé pour élaborer des scénarios et éviter d'être pris au dépourvu en cas de canicule, dit Daniel Drolet. Si une canicule s'en vient, l'employeur devrait faire des calculs à l'avance et envisager des scénarios pour prendre de meilleures décisions au moment opportun.»

La santé et la sécurité des travailleurs sont des responsabilités premières des employeurs, rappelle Chantal Rhéaume, porte-parole de la CSST. «Ils doivent avoir un plan d'action pour prévenir les dangers liés à une chaleur intense», dit-elle.

Les secteurs d'emploi où l'on risque le plus de voir des travailleurs succomber à la chaleur sont la construction, l'agriculture, la forêt, l'aménagement paysager et les scieries, précise Mme Rhéaume.

Pour télécharger le guide: www.irsst.qc.ca/fr/_outil_100 042.html