Les chiffres ne mentent pas. Sur les 750 000 personnes handicapées du Québec, environ 400 000 sont aptes au travail, mais seulement 120 000 ont un emploi. Leur taux d'emploi est de 35%, alors que celui du reste de la population est de 70%. Avis aux employeurs potentiels: elles s'organisent!

Quand Michel De Césaré a passé ses premières entrevues d'embauche, dans les années 70, ses employeurs potentiels avaient de bien drôles de questions!

Ils se souciaient parfois davantage de savoir comment ce diplômé en mathématiques et en informatique ferait pour se rendre au petit coin avec son fauteuil roulant que de ses compétences.

«Je leur disais, mais ça n'a rien à voir avec l'emploi!» se souvient-il. À force de se heurter à des portes closes, il en a eu assez. En 1976, il a créé l'Étape, un centre d'emploi pour les personnes handicapées qui a encore pignon sur rue.

Puis, en 1981, ce fut l'Année internationale des personnes handicapées. C'est alors que M. De Césaré a décroché un poste dans la fonction publique fédérale, car le gouvernement cherchait à augmenter la représentativité de ces personnes au sein des ministères.

Il est aujourd'hui agent de vérification de conformité pour la Commission canadienne des droits de la personne. Son travail consiste à visiter les employeurs relevant du fédéral pour vérifier si leurs façons de faire ont un impact négatif sur les minorités.

Il constate que les mentalités ont beaucoup évolué avec le temps, grâce aux campagnes de sensibilisation. Mais si les employeurs sont aujourd'hui plus ouverts à l'embauche de personnes handicapées, il y a encore du travail à faire!

Un taux d'emploi inférieur

Les chiffres ne mentent pas. Sur les 750 000 personnes handicapées du Québec, environ 400 000 sont aptes au travail, mais seulement 120 000 ont un emploi. Leur taux d'emploi est de 35%, alors que celui du reste de la population est de 70%.

Cette situation est due, entre autres, à un manque d'information, selon Martin Prévost, coordonnateur du Regroupement des organismes spécialisés pour l'emploi des personnes handicapées (ROSEPH).

«Plusieurs employeurs ne sont pas conscients du potentiel des personnes handicapées ou, encore, ils doutent de leurs propres capacités en tant qu'employeurs à les accueillir adéquatement au sein de leur organisation», dit-il.

Il est pourtant moins compliqué qu'on ne le croit d'embaucher un travailleur handicapé. Mais les entreprises ignorent l'existence des ressources à leur disposition pour faciliter les choses. Un grand nombre d'organismes spécialisés, dont les membres du ROSEPH, sont là pour les aider à sélectionner les candidats, à adapter les postes de travail et à naviguer dans les formalités administratives pour recevoir des subventions.

Ces mesures d'aide iront d'ailleurs en augmentant au cours des prochaines années. Le gouvernement du Québec s'est engagé, en mai, à investir 102 millions pour réduire de moitié l'écart entre le taux d'emploi des personnes handicapées et celui du reste de la population d'ici 2018. Et la pénurie de travailleurs pourrait constituer un allié de taille dans l'atteinte de cet objectif!

«Les perceptions vont changer. On n'embauche pas une personne juste parce qu'elle est handicapée, mais parce qu'elle a des compétences, dit Claude Seguin, directeur général du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre (CAMO). Les employeurs ne doivent plus voir les travailleurs handicapés comme un problème, mais comme un élément de solution à un problème, la pénurie d'employés.»

Des compétences à revendre

Quand on n'a pas d'expérience avec les personnes handicapées, on les voit davantage à travers leurs limitations qu'à travers leurs compétences, ajoute M. Seguin. «Des images nous viennent dans la tête, un fauteuil roulant ou une canne blanche.» Mais il y a pourtant du talent et des compétences à revendre chez ces travailleurs.

En mars, le CAMO organisait la Journée Contact, une foire de l'emploi réunissant employeurs et personnes handicapées à la recherche d'un travail. Sur les 800 candidats présents, 40% détenaient un diplôme universitaire, 24% un diplôme du collégial, 14% étaient diplômés d'un cours professionnel et 22% avaient terminé leur secondaire. «Ces profils correspondent très bien aux besoins du marché du travail actuel», dit Claude Seguin.

L'ennui,  c'est que plusieurs employeurs ne savent pas par où commencer. Qu'ils se le disent: ils ne sont pas seuls dans cette aventure. Les organismes préparent le terrain et travaillent avec les personnes handicapées pour améliorer leurs chances de s'intégrer.

L'organisme AIM-Croit, par exemple, fait une sélection étroite des candidats en fonction de la description de postes et propose ceux qui sont vraiment capables d'effectuer les tâches demandées. On visite même les lieux de travail pour évaluer les besoins. En parallèle, des ateliers de formation sont offerts aux candidats, entre autres sur la façon de présenter son handicap à un employeur potentiel.

Au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau, on travaille avec les personnes devenues handicapées à la suite d'un accident, pour les aider à réintégrer leur ancien emploi. Si c'est impossible, on les dirige vers d'autres occupations en fonction de leurs capacités.

Pour les jeunes adultes handicapés de naissance, on propose une démarche d'orientation professionnelle qui tient compte de leurs limitations physiques, mais aussi de leurs intérêts et aspirations.

Avec tous ces services, il n'y a vraiment plus aucune raison pour se priver d'un tel bassin de talents et de compétences.

Si l'on est ouvert aux mesures d'accommodements, comme l'adaptation des postes de travail ou des horaires, on se retrouvera avec des employés très motivés qui, souvent, demeurent longtemps fidèles à l'entreprise une fois qu'ils ont trouvé un emploi à la mesure de leurs aspirations.