Marie travaille au sein de la même entreprise depuis cinq ans. Au début, elle était passionnée, débordante d'énergie et pleine d'ambition. Elle se disait qu'enfin elle aurait la chance d'exploiter les compétences qu'elle avait acquises et qu'on mettrait son talent à contribution.

Or, elle a rapidement réalisé que, malgré son enthousiasme, l'entreprise pour laquelle elle travaille n'encouragerait pas ses initiatives et ne lui donnerait pas l'occasion de se dépasser et d'aller au-delà des attentes de son poste. Elle a également vite compris que sa charge de travail ne remplirait pas 37 heures par semaine.

 

Lorsqu'elle a signalé à ses supérieurs qu'elle avait du temps libre, ils lui ont confié des tâches administratives routinières et sans défi. Elle a lentement perdu sa motivation et passe désormais plusieurs heures par jour à vaquer à des occupations personnelles au bureau, comme planifier ses vacances sur l'internet et naviguer sur Facebook. Elle se sent de plus en plus inutile et blasée.

Marie souffre de bore-out, soit d'ennui au travail. Selon les consultants allemands qui ont lancé ce concept, Werder et Rothlin, les travailleurs souffrant de bore-out seraient perçus à tort comme paresseux, alors qu'ils vivraient plutôt une perte d'intérêt envers la tâche, due à l'incapacité d'utiliser leurs compétences et d'être reconnus pour leurs efforts.

Le bore-out est constitué de trois éléments: l'ennui, le manque de défi et le désintérêt. Ce qui est paradoxal, c'est que, pour faire face à la situation et s'assurer de ne pas perdre leur emploi, ces personnes se mettent à utiliser des stratégies pour avoir l'air occupé, pour s'assurer de ne pas se faire imposer des tâches ennuyantes. Elles allongent donc le temps pris pour réaliser leur travail, ce qu'on appelle la stratégie d'étirement; ou encore, elles utilisent une stratégie de pseudo-engagement, prétendant être actives, parfois même au-delà des heures normales de travail, afin de légitimer leurs fonctions.

Selon les études recensées, entre 10% et 15% des employés de bureau affirment être en bore-out. Compte tenu de son impact sur le moral des employés, ainsi que sur la productivité, il est impératif que les entreprises prennent conscience de ce problème.

Comment éviter l'ennui?

Les entreprises devraient adopter une structure organisationnelle plus flexible. L'employé se retrouve parfois coincé dans sa description de tâche et, parce que la culture de l'entreprise ne permet pas d'aller au-delà de celle-ci, il se voit confier des tâches bien limitées.

En outre, on gagnerait à déléguer davantage de responsabilités aux employés en créant, par exemple, des projets spéciaux. Or, certains gestionnaires peuvent craindre que la légitimité de leur poste en soit minimisée, alors que c'est tout le contraire: déléguer mobilise les troupes.

Sur le plan individuel, le fait de discuter ouvertement de la situation avec son employeur, avant que le cercle vicieux ne s'installe, pourrait être un premier pas. L'employé doit prendre en main sa carrière et prendre conscience de sa situation et de ses besoins. Par contre, on peut comprendre qu'il lui soit difficile d'avouer à son patron qu'il s'ennuie au travail. L'employé s'expose au risque de ne pas être compris.

L'ouverture d'esprit du gestionnaire est donc primordiale. Il faut encourager la communication plutôt que de mettre en place des mesures punitives. Une autre possibilité serait de viser un poste qui implique davantage de défis et de responsabilités. Cette option pourrait également être discutée au même moment avec le supérieur.

Finalement, si, après avoir tout essayé, aucune solution viable n'a été mise en place, il pourrait être indiqué de changer d'emploi.

Michèle Ragault, CRHA, et Julie Ménard, Ph. D., sont psychologues industrielles chez André Filion et Associés inc. Dès lundi, vous retrouverez le texte de cet article dans le portail de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés: www.portailrh.org