Est-ce que l'apparence physique joue toujours sur la carrière en 2009? «Oui, certainement», affirme Anne Bourhis, professeure à HEC Montréal et spécialiste du recrutement et de la sélection des ressources humaines.

Toutefois, d'un domaine à un autre, les critères évalués changent. «Dans les milieux plus créatifs, on acceptera davantage les cheveux rouges et les piercings que dans les milieux plus traditionnels. Or, dans ces milieux plus créatifs, portés sur la mode, les tendances, on s'attendra peut-être à ce que le look du candidat soit plus recherché», explique la spécialiste.

 

Le dicton dit: «L'habit ne fait pas le moine», mais dans la réalité du marché du travail, il n'est pas tout à fait juste. «La tenue vestimentaire, c'est la deuxième peau d'une personne. L'habillement reflète ce que la personne est et témoigne de sa capacité d'adaptation à un milieu», indique Louise Beaudoin, psychologue et conseillère agréée en ressources humaines à la Société Pierre Boucher.

En fait, lorsqu'on souhaite être embauché par une entreprise, on a intérêt à savoir le type d'éléments qu'elle valorise. Anne Bourhis donne l'exemple d'une femme qui est convoquée à une entrevue par une grande compagnie de cosmétique. «Sans avoir un look de mannequin, elle aura intérêt à arriver bien maquillée, les ongles faits, les cheveux propres et bien coiffés.»

Représenter l'entreprise

Ces facteurs jouent de façon encore plus marquée lorsque la description du poste implique que la personne devra représenter l'entreprise à l'externe, auprès de clients ou de partenaires.

Andréanne (nom fictif), qui a plusieurs piercings dans le visage et une allure masculine, l'a appris à ses dépens. Alors qu'elle travaillait pour un organisme de gestion des matières résiduelles, elle fut pressentie pour devenir gérante de sa succursale.

«La grande patronne de l'organisme ne me connaissait pas et dès qu'elle m'a vue, elle a éliminé ma candidature. Elle a dit à d'autres qu'il n'était pas question que l'organisme soit représenté par quelqu'un qui avait l'air d'un petit punk.»

Anne Bourhis mentionne que les entreprises ont le droit de chercher des candidats qui les représenteront de façon appropriée, selon leurs propres critères. À condition, bien sûr, que cela n'entre pas dans les critères reconnus de discrimination, comme le sexe, la couleur de la peau ou encore, le poids.

Il peut tout de même être frustrant pour un employé de se faire interdire de porter des jeans ou de se présenter avec des piercings. Faut-il se conformer ou dénoncer ces pratiques?

«Disons qu'il est préférable de discuter, croit Louise Beaudoin. Il faut comprendre pourquoi l'entreprise a ces exigences. Il se peut que ce soit pour l'image, mais aussi pour une question d'hygiène. Par la suite, on peut se demander si cela a du bon sens et si cela entre en contradiction avec ses valeurs.»

Anne Bourhis croit également que le candidat doit se demander s'il serait à l'aise, par exemple, de travailler dans un milieu qui refuse les piercings. «Souvent, il y a toute une question de personnalité, de valeurs et de style de vie derrière cela et c'est important d'être en adéquation avec son milieu de travail.»

Louise Beaudoin tient toutefois à spécifier la plus grande ouverture de notre société. «Des petites mèches rouges, on peut pratiquement en voir dans tous les milieux maintenant! Nous sommes dans une culture d'inclusion et il y a eu une grande évolution des mentalités ces dernières années. De plus, avec la pénurie de main-d'oeuvre, plusieurs employeurs sont moins préoccupés par ces détails et se concentrent davantage sur les compétences réelles des candidats.»

Pour sa part, Andréanne a récemment accepté de retirer quelques-uns de ses piercings pour un emploi de col bleu dans une municipalité.

«J'avais toujours refusé de le faire, mais cette fois, je trouvais ça valait la peine. Je voulais progresser dans ma carrière et aussi, j'avais confiance en la personne qui m'offrait le travail. La Ville a fait son bout de chemin en acceptant mon look différent et moi, je fais mon bout de chemin en retirant mes piercings les plus dérangeants.»

 

Jeune, blanc et svelte!

En France, l'âge, l'origine ethnique et l'apparence physique ont une influence sur l'embauche, révélait, en 2005, une étude de Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations.

Pour les besoins de l'étude, près de 1000 C.V. de candidats ont été envoyés pour répondre à diverses offres d'emploi. Le candidat blanc de 33 ans a eu 30% de réponses positives, le candidat antillais 21%, le candidat obèse 10%, la candidate maghrébine 9% et l'homme de 50 ans, 6%.

«En France, le C.V. comprend pratiquement toujours une photo du candidat, ce qui n'est pas le cas ici», précise Anne Bourhis, spécialiste du recrutement et de la sélection des ressources humaines à HEC Montréal.

Toutefois, l'étude prouve que les attributs physiques d'une personne viennent souvent jouer sur l'avancement de carrière.

«Évidemment, personne ne viendra dire qu'il discrimine des candidats, mais cela se fait de façon inconsciente», ajoute-t-elle.