Tous les vendredis, Isabelle Bergeron prend son temps pour conduire son garçon à la garderie, puis elle va faire ses courses. Parfois, elle fait une sieste l'après-midi, surtout depuis qu'elle est enceinte de son deuxième enfant. Ensuite, elle va chercher son petit Jérémie et elle est prête pour passer le week-end en famille.

Vous croyez qu'Isabelle est une femme au foyer? Loin de là! Isabelle est comptable agréée et directrice principale chez Samson Bélair/Deloitte&Touche. Au retour de son congé de maternité, elle a opté pour la semaine de quatre jours. «J'ai renoncé à 20% de mon salaire, mais j'étais prête à ça pour pouvoir passer des fins de semaine plus relaxes en famille.» Isabelle n'est pas la seule à privilégier un meilleur équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle. Certains employeurs s'adaptent à ces nouvelles réalités pour attirer et retenir la main-d'oeuvre, surtout dans les milieux traditionnellement féminins, remarque Caroline Coutu, conseillère en ressources humaines agrée.

«Toutefois, dans les milieux plus masculins, la semaine de cinq jours est encore souvent la norme», nuance-t-elle.

Daniel Beaupré, directeur de l'Observatoire de gestion stratégique des ressources humaines de l'UQÀM, doute d'une réelle adaptation du milieu du travail.

«Pour certaines entreprises très solides et pour la fonction publique, c'est plus facile, mais ça demeure l'exception. La grande majorité des entreprises privées ne s'adaptent pas trop parce que la concurrence est trop forte.»

Et bien sûr, il y a la pénurie de main-d'oeuvre. «Pour attirer du personnel, les employeurs sont plus portés à offrir de gros salaires, de bons avantages sociaux et des bonus à la performance. Ils ne vont pas offrir des semaines de quatre jours alors qu'ils auraient besoin que leurs employés en travaillent six», soutient M. Beaupré.

Caroline Coutu voit les choses autrement. «Souvent, les employeurs ont l'impression qu'ils ne peuvent pas offrir la semaine de quatre jours. Toutefois, lorsque les employés ont un bon équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle, ils sont généralement plus productifs.»

La spécialiste des ressources humaines croit aussi que les employeurs doivent être imaginatifs pour arriver à trouver leur façon d'accommoder leurs employés. «Bien sûr, il y a la semaine de quatre jours, mais il y a aussi le télétravail qui peut être envisagé, les horaires flexibles, la banque d'heures pour les congés familiaux et bien d'autres formules. Et il ne faut pas oublier que ces mesures sont une forme de reconnaissance qui motive l'employé et qui le fidélise à l'entreprise, ce qui est très intéressant lors d'une pénurie de personnel.»

Isabelle n'a pas eu à se battre avec son employeur pour obtenir sa semaine de quatre jours. «Mais, ça peut arriver que je doive travailler un peu le soir. Le vendredi, il m'arrive de prendre un appel ou de répondre à un courriel et même, dans les périodes très occupées, de devoir rentrer au travail. Mais mon employeur me donne beaucoup, alors c'est normal que je fasse preuve d'ouverture.»

Il semble d'ailleurs que les entreprises proactives en matière de conciliation travail famille prennent une longueur d'avance sur les autres auprès de la génération Y.

«On parle souvent des femmes qui cherchent un meilleur équilibre, mais dans la génération Y, bien des hommes ont les mêmes préoccupations», affirme M. Beaupré.

«Ainsi, les ajustements des entreprises réalisés surtout pour les femmes seront utiles pour les hommes de la génération Y», ajoute Mme Coutu.

Et c'est possible de gravir les échelons lorsqu'on cherche un équilibre entre travail et vie personnelle? «C'est certain que ça freine l'ascension», croit M. Beaupré. «Ça dépend toujours de l'employeur, nuance Mme Coutu. Certains sont très ouverts, alors que d'autres, malheureusement, traduiront ce choix par un manque d'intérêt.»

Pour sa part, Isabelle peut encore gravir un échelon chez Samson, Bélair/Deloitte&Touche - devenir associée - et elle compte bien y arriver.

«Faire des semaines de quatre jours ne m'en empêchera pas, mais c'est certain que ça va moins vite que si je travaillais des heures de fous. Mais c'est normal et de toute façon, je ne suis pas pressée», dit la maman de 36 ans.