Une consommatrice québécoise, Geneviève Gagnon, a remporté une autre manche contre le géant du commerce électronique Amazon. Elle pourra porter en appel un premier jugement rendu l'été dernier, qui avait charcuté une partie de l'action collective qu'elle a demandée en mars 2017.

Dans ce qui s'annonce comme une bataille judiciaire ardue et complexe, Amazon a été accusée d'avoir injustement perçu les taxes de vente sur des produits qui auraient dû en être exemptés, notamment des aliments secs commandés sur son site. Au nom des consommateurs canadiens lésés, Mme Gagnon réclamait des dommages punitifs ainsi que le remboursement des taxes perçues en trop. Elle est représentée par Me Jeffrey Orenstein, du cabinet Groupe de droit des consommateurs.

Cette action collective, précisons-le, n'a toujours pas été autorisée.

Poire coupée en deux

Amazon a bel et bien reversé ces sommes aux gouvernements, la preuve en a été faite en cour, bien que les sommes en cause n'aient pas été dévoilées. Dans un premier temps, Amazon a contesté la compétence de la Cour supérieure du Québec, estimant que ce dossier relevait plutôt de la Cour canadienne de l'impôt ou de la Cour du Québec. Le 15 août dernier, le juge Martin Castonguay a coupé la poire en deux : il donnait raison à Amazon sur le fait que le remboursement de taxes ne relevait pas de sa compétence, mais estimait que l'action collective pouvait reposer « uniquement sur des dommages punitifs ».

Ce jugement a déplu aux deux parties ; Amazon et Mme Gagnon l'ont porté en appel. Amazon a maintenu que la Cour supérieure n'avait aucune compétence dans ce dossier puisque les dommages, qui sont contestés, concernent les taxes. La consommatrice, elle, a légèrement modifié sa demande : elle ne réclame pas le recouvrement des taxes en tant que tel, mais « recherche des dommages d'une valeur égale aux sommes perçues illégalement ». Cette précision, qui peut sembler tatillonne pour le commun des mortels, a manifestement contribué à convaincre le tribunal.

Mercredi dernier, on a autorisé l'appel demandé par Mme Gagnon, et rejeté celui d'Amazon.

Pas de préjudice pour Amazon

La demande de Mme Gagnon, « telle que modifiée, pourrait bien constituer une riposte valable à l'argument d'absence de compétence de la Cour supérieure », écrit le juge François Doyon, de la Cour d'appel du Québec.

Théoriquement, si la consommatrice québécoise gagne cet appel, son action collective retrouverait son intégralité si elle est finalement autorisée : elle pourrait réclamer des dommages punitifs et ceux associés aux taxes perçues en trop.

Dans un jugement très technique et très étoffé sur sept pages, le juge Doyon estime qu'Amazon ne subira pas de « préjudice irrémédiable » si l'appel est autorisé. En ce qui concerne Mme Gagnon, « la question mérite d'être soumise à la Cour », écrit le juge.

À Amazon qui expliquait que les consommateurs lésés pouvaient réclamer eux-mêmes un remboursement de taxes payées en trop en s'adressant aux gouvernements concernés, le juge Doyon répond de façon colorée. Il note la « voie sinueuse » décrite par Amazon pour ces demandes de remboursement, qui comprennent des formulaires de plusieurs pages et des délais de prescription de deux ans, pour des sommes généralement minimes. La procédure est compliquée par le fait qu'Amazon, jusqu'à tout récemment, ne détaillait pas le montant des taxes par article, mais affichait un montant de taxes global.

Le processus d'autorisation de l'action collective est suspendu en attendant que l'appel soit traité.